vendredi 18 janvier 2019

001 - Billet de La Havane


La bandera cubaine

Jeudi 17 janvier 2019

Nous voici enfin à Cuba, ce pays que nous n'avons pas revu depuis 2012, notre pays de cœur et d'adoption, où, dès que nous y posons le pied, nous avons le cœur joyeux et le sentiment d'être à la maison,

Nous avons atterrit de nuit à l'aéroport José Marti de la Havane et nous nous rapprochons du centre ville après avoir suivi la longue avenue jusqu'à la place de la révolution, où les visages illuminés de Camilo Cienfuegos et Ernesto Guevara dit le Che, nous sourient.


Ernesto Guevara
Camilo Cienfuegos, l'enfant chéri du peuple cubain


Nous descendons les rues animées de Centro Habana et débouchons sur le Malecón au bout duquel, la casa Ana, notre casa particular, nous attend.

Là, nous retrouvons avec un immense bonheur, nos amis cubains Imilce et Bartolome, qui gèrent les chambres d’hôtes de leur fille Ana-Isis, mariée avec Jean-Jacques, un français originaire d'Auch. Depuis quelques années, ils partagent leur temps entre la France et Cuba et ont acheté et restauré une maison de 1920, aménagée en chambre d'hôtes.

Imilce et Bartolome, nos amis santiagueros, aujourd'hui havanais

Nous nous installons pour trois nuits et c'est par la Havane que nous débuterons notre voyage au cœur de Cuba.



Vendredi 18 janvier 2019

Sept ans. Cela faisait sept ans que nous n'étions pas revenus.
En 2012, nous avions laissé La Havane, belle endormie, confrontée à son fragile destin ; une ville installée sur un point d'équilibre instable, battue par les vagues incessantes venues de l'Atlantique, et les tourments d'une vie sociale synonyme de survie. Les russes appellent cela « la nostalgie du passé », d'autres, « la politique de l'autruche », l'essentiel est de croire en des jours meilleurs et de s'en convaincre.  Et si vous n'arrivez pas à vous en convaincre, d'autres s'en chargeront, en vous soldant un bonheur au rabais, et pourtant si rassurant.
Notre avion avait quitté le sol cubain, cette terre qui nous est si chère, et nous étions plein d'espoir, certains de la retrouver pleine de vie et d'allant.

Sept ans plus tard, rien n'a changé à l'aéroport José Marti. Nous retrouvons l'atmosphère feutrée de la salle des arrivées. Les contrôles douaniers sont plus souples, et une section VIP a même été créée, permettant d'éviter les files d'attente, avec un accueil en salon particulier.

Notre bus de Gaviota, nous emporte vers la capitale, à travers la nuit havanaise. Le trajet est court jusqu'aux premiers immeubles, et, très vite, nous emménageons dans notre chambre d'hôtes, surplombant le Malecón.

Nos amis santiagueros, sont aujourd'hui habaneros. Ils nous accueillent avec le même sourire que celui que nous leur connaissions, et avec la même amitié.

Bartolome et Imilce




Les six heures de décalage horaire nous rattrapent tout à coup. Le sommeil nous appelle, et nous répondons à son invitation sans combattre.





 
Le lendemain, 9h00 du matin.
Petit-déjeuner sur le toit terrasse de l'immeuble. Face à nous, le bleu de l'océan, le bleu du ciel et, dans notre dos, les rayons déjà chauds du soleil cubain. Nous y voilà.
Nous dégustons notre café avec délectation, juste troublés par les va-et-vient des voitures, pourtant encore rares.

Sur le toit terrasse

Face à l'océan atlantique, le Malecón
 


En fin de matinée, nous arpentons les ruelles encombrées du cœur de ville. Nous retrouvons les odeurs, l'animation des trottoirs, les petits commerces, les gamins jouant au base-ball aux intersections, les voitures aux capots ouverts, immobilisées par une panne soudaine, les femmes criant à d'autres femmes penchées à un balcon au troisième étage d'un immeuble fatigué. La vie cubaine est là, immuable.






Au programme ce matin, le tour de ville complet. Des bus décapotables, d'un rouge étincelant, promènent les touristes aux quatre coins de la ville. C'est le moyen idéal, pour s'infiltrer dans la ville, prendre son pouls, écouter sa respiration.

La Havane

La Havane et le dôme du capitole en réparation
La Havane est usée. La Havane s'essouffle, menace de ne plus lutter, fatiguée de courber le dos. La Havane est épuisée. Les immeubles décrépis s'élancent dans le vide. Des amas de ruines font face à l'océan, jouxtant des immeubles flambant neuf, témoins désespérés d'un effort urbain ou cache-misère d'une fin annoncée. Les arches des maisons, griffées par l'air marin, s'émiettent à l'unisson, offrant un décor précaire pour l'usage du quotidien.









Sur le mur épais du Malecón, les têtes sont tournées vers l'horizon rêvé de l'ailleurs. Une jeunesse tatouée et désœuvrée tourne le dos à l’effondrement, préférant se plonger dans les écrans d'un présent virtuel.

Sur le Malecón

Le long du Malecón

Sur les murs du Malecón
A la finca de Papa Hemingwey, les bus se disputent le parking pour déverser des centaines de touristes venus de partout dans le monde. Des groupes d'américains, parlant fort, occupent l'espace sans la moindre gêne, certains de leur légitimité, dans ce lieu que l'un de leur compatriote avait fait sien.

Finca Vigia, maison d'Ernest Hemingwey

Que dire à cette femme de New-York ou de Washington, portant fièrement le béret à l'effigie du Che et de la révolution des barbus cubains ?  Que dire à cette masse de touristes, attirés par la photo d'un héro guérillero romantique ? Les héros sont fatigués, et leur révolution s'efface, ensevelie dans les profondeurs d'un glorieux passé, porteur de tant d'espérance.
La Havane pleure son patrimoine. Les larmes salées creusent ses rides profondes à la face du monde. Au gré de notre promenade, au fil des regards, et malgré les sourires, le renoncement se ressent. Dans un café de coin de rue, l'ennui rôde. Les serveuses sans occupation traînent sur le devant de porte. A notre arrivée, tel un vol de moineaux, chacune rejoint sa place. Le groupe de musique, jusque-là inactif, s'installe et entonne un morceau de musique traditionnelle, réagissant tel un vrai juke-box à notre venue.

A Cojimar, petit port de pêche, laissé à l'abandon, où Hemingway trouva pourtant l'inspiration de son « Vieil homme et la mer », une petite fille m'aborde, et de ses yeux tristes, me demande « quelque chose ». Rien de précis, juste quelque chose. Signe d'une profonde détresse.

Cojimar, petit port de pêche où Hemingwey allait pêcher l'espadon
Le touriste, dernier rempart avant l'ultime déflagration. La bouée à laquelle s'accroche tout un peuple, tout un pays. Les vieilles voitures américaines, sillonnent le Malecón, fardées à outrance,  offrant leurs courbes provocantes au regard des promeneurs des larges avenues. Des voitures devenues tout à coup, non une nécessité de transport, mais bien un fond de commerce salvateur. Mais pour combien de temps encore ?
Et les cubains dans tout cela ? Ils ont vieilli les cubains ! Abandonnés, esseulés, isolés. La lutte semble prendre fin. Entre exil et renoncement, entre fuite et acceptation.
Havane, belle Havane, qu'es-tu devenue ? Une vieille femme, trompée, bafouée, abandonnée toi aussi. Pourtant, tu as dû être si belle, avec tes magnifiques palais, tes larges avenues fleuries, tes longues promenades, tes places envahies de musique...
La Havane, ton agonie m'émeut, m'attriste.
Chère Havane, ce soir, je suis si triste de te retrouver, moi qui étais si heureux de te revoir. Nous t'espérons des jours meilleurs...







Quelques photos d'immeubles, rues et quartiers bien conservés qui donnent une idée de ce qu'à dû être La Havane au temps de sa splendeur et qui reflètent toute la magie et la nostalgie de cette capitale historique.

El paseo de Marti (anciennement Avenue du Prado) qui mène au grand "parque central" et au Capitolio


Balcons du paseo de Marti
Balcons du paseo de Marti

Maison le long du paseo de Marti

Paseo de Marti avec au fond le dôme du Capitolio et le grand théâtre national de la Havane

Lhôtel Inglaterra et le grand théâtre national de Cuba (le plus au fond)

El Capitolio construit entre 1920 et 1929, à l'identique de celui de Washington ; il est l'un des symboles de La Havane

Parque central de la Havane (aboutissement du paseo de Marti), joli place arborée et toujours très animée
Parque central

Bar-restaurant Le Floridita
Hôtel Ambos mundos où Ernest Hemingwey s'installait pour écrire avant d'acheter la finca Vigia

Hôtel Nacional, l'un des hôtels mythiques de La Havane (quartier du Vedado), autrefois rendez-vous de la mafia américaine














Université de la Havane (Centro Habana)
Mémorial José Marti, obélisque-pyramide en béton de style soviétique sur la place de la Révolution









1 commentaire:

  1. Merci pour ce très beau texte, qui nous aide hélas, à faire notre deuil de cette nostalgie qui nous tient nous aussi, depuis notre dernière et inoubliable déambulation cubaine en 2012.
    Nous vous souhaitons à la croisée de l'obsolescence et d'un incertain devenir, de belles rencontres encore et de lumineux instants.
    (Nous sommes amis de Claude et Aimée Ourmières).
    Bien cordialement
    Jean-Jacques et Dominique

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