dimanche 27 janvier 2019

007 - Sur les traces des "barbudos"





Au bout d'une marche d'une bonne heure et demi, et après avoir arpenté un sentier de muletier accidenté, nous parvenons à une petite clairière s'éclairant autour d'une forêt dense de petits arbres.



A partir de là, nous pénétrons dans le secteur de ce qui constituait dans les années 58/59, le camp retranché des révolutionnaires castristes. Il s'agit en fait d'un village, composé d'une vingtaine de petites maisons de bois, organisé pour recevoir les allées et venues des révolutionnaires. 
Magasin, infirmerie, salle de réunion, cuisine, école sont regroupés sur le versant d’une petite colline. 
Fidel Castro avait établi ici, une sorte de maquette de société, de cette société qu’il voulait mettre en place à Cuba, en cas de victoire de son action révolutionnaire. La fameuse "radio rebelde", qui tenait le pays au courant des avancées des troupes rebelles, était installée un petit plus haut sur la montagne. 
Ici, les hommes de Castro étaient à l’abri, soutenus et aidés par les paysans, et pouvaient mettre en place leurs interventions de guérilla, face au troupe de Batista.









Un petit musée à la gloire de la révolution raconte la vie dans ce village rebelle, que l’on appelle encore aujourd’hui "la comandancia de la Plata".




 

La randonnée pour y parvenir est assez facile. Elle permet de découvrir une flore endémique, avec notamment de très belles orchidées, et des plantes des plus surprenantes dans leurs couleurs et leurs formes.



La visite dure une heure environ, et le chemin de retour est le même qu’à l’aller. 

En tout, ce sont six kilomètres à parcourir, dans une atmosphère humide, quasi-tropicale. De temps à autres, on peut apercevoir, la pointe du «  pico-turquino  », le sommet le plus haut de Cuba, qui attire également bon nombre de randonneurs. 


Le plus étonnant dans cette promenade est l'ascension en 4X4 de la route bétonnées qui monte jusqu'au point de départ de la marche.
Cette route possède un dénivelé très important et par moment très impressionnant.
Seuls de puissants camions ou voitures tout terrain peuvent l’emprunter.



 

Le petit hôtel de Santo Domingo étant complet, nous avions du nous installer, le jour précédent à l’hôtel Balcon de la Sierra car dans cette région les chambres d’hôtes sont rares.

Petit bungalow de l'hôtel Balcon de la Sierra

Avec la marche de la comandancia de la Plata, nous entrons dans l’histoire de la révolution cubaine, qui se poursuivra avec Santiago de Cuba, et plus tard à Santa Clara. 

Les portraits de Che Guevara, et de Camilo Cienfuegos, les slogans de propagande révolutionnaires sur les murs des villes, se font de plus en plus nombreux.



En début d'après-midi, devant nous, s’ouvrira la route vers Santiago de Cuba, que nous sommes impatients de retrouver. 

Nous venons d’apprendre qu’une violente tornade a détruit, hier, un quartier de la ville de La Havane, occasionnant dégâts et plusieurs morts. 
Décidément, rien n’épargne cette ville, déjà si fatiguée. 

Nous espérons revoir notre Santiago sous le soleil et aussi enthousiaste que lors de notre dernière visite.



mercredi 23 janvier 2019

006 - Trinidad, entre plages et patrimoine

Nous quittons Playa Larga, après un bon petit-déjeuner pris sur le toit-terrasse de notre maison d'hôtes, balayé par un vent frais venu du large. Nous n'avons pas beaucoup de route à faire pour rejoindre Trinidad, notre étape du jour. Aussi, une longue halte est prévue pour la visite de Cienfuegos, la perle des Caraïbes.

La route longe la mer, avec ses spots de plongées, dans une eau limpide et d'un bleu azur. Les plongeurs s'immergent à la rencontre de poissons multicolores, et des fragiles coraux. Nous nous arrêtons rapidement à la « Cuevas de los peces », un gouffre d'eau salée d'une profondeur de soixante dix mètres, niché dans un petit écrin de nature sauvage. A partir de là, nous allons longer un bord de mer invisible, barré par de larges marécages, et de sous-bois impénétrables.
Nous traversons « Playa Gijon », connue sous le nom de « baie des cochons », rendue célèbre pour le débarquement manqué des mercenaires contre-révolutionnaires, soutenus par les Etat-Unis. Sur les bords de la route, de grands panneaux de propagandes se plaisent à rappeler cette déroute, et célébrer cette victoire.

En fin de matinée, nous arrivons à Cienfuegos. Petite ville, baignant sous le soleil, Cienfuegos reste toujours aussi agréable, avec son centre ville colonial, et ses rues commerçantes. Le large parc central, ceint de splendides bâtiments, offre un espace de promenade où il fait bon flâner au son de la musique traditionnelle s'échappant d'un des nombreux bars et restaurants alentours.
La visite de Cienfuegos, se poursuit par son « Malecon », qui s'allonge jusqu'à la « Punta Gorda ». Il faut s'accorder cette promenade, tant elle est reposante, au son des vagues venant mourir contre l'épais muret. Le bruit des voitures ne suffit pas à détourner cette impression de quiétude. Le soleil est maintenant haut dans le ciel, et distribue une intense chaleur qu'accompagne une petite brise marine.

En tout début de journée, nous reprenons notre route vers Trinidad, où nous arrivons en fin d'après-midi. La maison d'hôtes de style colonial « hostal Ida », spacieuse, offre un immense patio, fleuri et arboré. Tout à fait ce dont nous avions besoin. L'entrée de la maison abrite une succession de meubles de diverses époques, sur lesquels trônent les souvenirs de famille, fièrement  mis en valeur. Les cadres photos, bibelots en tout genre, fleurs artificielles, poupées, donnent un effet des plus kitch à l'ensemble.
A notre arrivée, Yanni, la joviale cuisinière, nous fait d'alléchantes propositions culinaires que nous ne pouvons ignorer. Rendez-vous est donc pris à vingt heures autour de la toile cirée.
En attendant, nous partons en ville, et grimpons les ruelles pavées, qui nous mènent jusqu' la magnifique « Plaza Mayor ». Les rues de Trinidad nous présentent leur quotidien, fait, là de galeries de peintures, ici, de boutiques de souvenirs, là encore des bars musicaux, et plus loin, le marché artisanal où se pressent les touristes portant tee-shirts ou casquettes du « Che». Il y en a pour tous les goûts.
En arrivant à la « Plaza Mayor », nous voilà face au soleil couchant qui descend un à un les escalier jouxtant la cathédrale. C'est la grande représentation du soir, que personne ne voudrait manquer. Les touristes, jeunes ou moins jeunes, sont assis, à même les marches, et attendent, patiemment, la lente chute de l'astre solaire. De jeunes cubains vous proposent le wifi, à l'endroit même où, il y a quelques années, ils proposaient langoustes et cigares. Cuba se connecte ! La musique, elle, est toujours là, les danseurs de salsa aussi, et le bar « la chanchachara » également, où nous dégustons l'apéritif maison, à base de miel, de citron et d'aguardiente.

Comme prévu, vers les vingt heures, nous retrouvons notre cuisinière, qui nous régale de ses bons petits plats, agrémentés de son généreux sourire.

Demain, nous irons parcourir le marché artisanal, et poursuivrons notre découverte de cette petite ville aux mille trésors.

L'après-midi, nous irons profiter du sable chaud et blanc de la plage d'Ancon. Pas mal comme programme, pour un mois de janvier !

mardi 22 janvier 2019

005 - Playa larga

Fin de journée des plus agréables sur les bains de soleil faisant face aux timides vagues de la mer des Caraïbes. Playa larga hésite entre le petit port de pêche, et la station balnéaire. Cela lui confère une atmosphère bon enfant et familiale. La plage étire son sable fin entre mer et palmiers . La salsa se propose en fond sonore, tout droit venue du bar de plage voisin, où des couples rieurs, s'adonnent à leur danse préférée, avec application et fougue. Le soleil se joue des légers nuages qui osent encore tacheter le ciel. Doucement, la lumière s'estompe, allongeant les ombres des derniers baigneurs.

Ce matin, de bonne heure, nous avons quitté le village de Vinales, abandonnant derrière nous ses magnifiques paysages et Yolanda, notre hôte, qui nous a accueilli avec beaucoup de gentilesse et d'attentions.

Devant nous, une longue route avant d'atteindre Playa Larga. Nous nous accordons tout de même une première halte à la cascade et au jardin d'orchidées de Soroa, avant une courte promenade ensoleillée à Las Terrazas, village natal du chanteur Polo Montanes. Nous arrivons enfin à Playa Larga, pour poser nos valises, et filer à la plage où, en toute quiétude, nous attendrons le coucher du soleil, allongés sur le sable blanc, au son d'un interminable salsa.
Une fin de journée des plus agréables !

lundi 21 janvier 2019

004 - Vinales, à l'ombre des mogotes

Il est neuf heures du matin. Le ciel est d'un gris profond. Seul un petit air encore frais se glisse entre les larges feuilles des bananiers, après le vent violent de la nuit. La température semble idéale pour le programme de la journée.
La table est mise sous le auvent de la terrasse, et la toile cirée à grosses fleurs, nous présente un alléchant petit-déjeuner. Café cubain bien noir, lait ou thé, accompagnent pêle-mêle, jambon, petites crêpes, pain sucré, omelette, œufs brouillés, miel, tartines, beurre, et différents fruits du verger familial : ananas, bananes, papayes. Autant de vitamines indispensables pour affronter notre chemin de randonnée.
Solides et hautes chaussures aux pieds, sacs à dos fermés, nous quittons nos hôtes, non sans avoir au préalable programmer le menu de notre « comida » (dîner).
A peine sortis de la maison, nous empruntons un chemin de terre bordé de maisons d'hôtes (casas particulares), rivalisant de couleurs vives. Les chambres d'hôtes se sont multipliées à Vinales, répondant à une demande toujours plus importante de touristes. Leur confort s'est également considérablement amélioré. On trouve désormais facilement des chambres avec salles de bains indépendantes, et même beaucoup de chambres, totalement indépendantes de la maison des propriétaires. Sorte de petite maison à côté de la maison principale. Les rues adjacentes de l'avenue principale du village sont composées d'une multitude de ces maisons d'hôtes. Leurs extérieurs sont toujours entretenus avec application, et l'on se sent vite les bienvenus. Nous croisons cubaines et cubains, à pied, à vélo, même à cheval, se rendant à la ville pour le travail ou pour les achats du matin. L'ambiance est joyeuse, amicale . L'atmosphère d'une petite ville de province, loin du tumulte bruyant des grandes cités. Les portes de chaque maison sont grandes ouvertes, les gens se saluent, entrent pour prendre des nouvelles. Les petites écolières et les écoliers arborent leurs uniformes rouge blanc, bleu, ou blanc et marron, selon leur niveau d'étude, et s'en vont en riant vers l'école voisine, insouciants. Chacun prend des chemins différents, et nous, pris par cet enthousiasme matinal, nous nous enfonçons davantage dans les champs et la campagne environnante. La terre rouge et meuble, alourdie par les pluies de la veille, colle à nos semelles. Sans guide, nous avançons entre les plantations de bananiers, maïs, maniocs et caféiers. Devant nos hésitations à choisir le bon sentier, des paysans portant de larges chapeaux de paille, cigare aux lèvres, nous remettent dans la bonne direction avec un léger sourire, qui sous-entend beaucoup de choses. Au bout de quelques minutes, nous voici au cœur même du décor qui fait la renommée de Vinales. Les vallées des plantations de tabac, avec les champs de tabac d'un vert limpide, les fincas et les séchoirs. Les paires de bœufs tirant le soc qui déchire la terre, avançant péniblement sous les cris de soutien du paysan. Les ramasseurs de tabac, récoltant deux par deux les précieuses feuilles, pour ensuite les empiler sur les bâtons de séchage. Les chevaux et les vaches paissant en liberté dans des prairies verdoyantes. Tout cela à l'ombre des majestueuses et imposantes mogotes, compose un magnifique tableau sur lequel dansent les couleurs variables des avancées du jour. Le vent est maintenant totalement tombé. Le soleil se joint à la fête. Nous grimpons de légers vallons, pour ensuite redescendre en douceur dans de petites vallées, dominées par l'arbre national cubain, la ceiba. Dans une petite finca, nous prenons quelques minutes de repos, en nous rafraîchissant d'un  délicieux jus d'ananas de la récolte. Plus loin, des chevaux nous dépassent, transportant leur lot de touristes venus de tous les horizons. Tout le monde se dit bonjour dans sa langue natale, et les sourires répondent aux sourires. La paix règne dans cette vallée. On s'y sent si loin de tout, à l'abri,comme protégés. Une véritable randonnée de jouvence. On y trouve une véritable sérénité, qui revigore. Et, tout à coup, on sait pourquoi on est venus se perdre jusqu'ici, dans la vallée de Vinales. 
Chacun, y voit ce qu'il veut  y voir, y ressent ce qu'il veut ressentir ? Ne serait-ce pas cela que l'on nomme liberté ?





samedi 19 janvier 2019

003 - Le trompettiste du malécon, sofa de la Havane

Il est là, encore là. Il est toujours là ! Tournant le dos à l'océan, assis sur le large mur, il regarde sa ville. Ses doigts enfoncent un à un les pistons de son instrument. La casquette vissée sur le tête, sur ses épaules, une chemise d'un blanc immaculé, gonflée par le vent du large, le trompettiste du « Malecon » de La Havane, est là, fidèle, accroché au mur, comme le serait un coquillage. On se dit que même l'assaut des vagues ne parviendront pas à l'arracher de là. Sa musique, pourtant, joue la mélodie d'un combat perdu d'avance, face aux flots incessants des voitures, et du vacarme des vagues s'écrasant sur la roche. Pourtant, il là, et il joue. Il semble ignorer ce qu'il se passe dans son dos, jusqu'à ce rêve d'ailleurs, là à quelques kilomètres de lui, sur un horizon de chimères. Il embrasse sa ville, sa Havane. Il lui offre sa musique, comme pour la distraire, et lui faire oublier les rides qui la sillonne. Les familles défilent devant lui, les jeunes amoureux s'embrassent à quelques mètres de lui, les touristes lui accordent un cliché. Lui, il est là, ainsi entouré, avec sa musique pour offrande à leur quotidien. Son quotidien, lui, c'est le « Malecon », son « Malecon », ce mur qui serpente le front de mer, sur lequel vient frapper la colère océane. Peut-être pense-t-il que sa musique peut adoucir cette colère, l'empêcher de frapper ? Le Malecon rassure les havanais. Il les protège. Pas seulement des flots parfois déchaînés. Il les protège du temps qui passe. Derrière le Malecon, on est à l'abri. Sauter le Malecon, c'est subir les caprices de l'océan, c'est se frotter à l'inconnu, c'est aussi s'offrir une nouvelle vie, un autre avenir. L'image du Malecon hante l'esprit des havanais. Serait-il le mur de leur prison, plutôt que leur protecteur indestructible ?
Il faudrait peut-être interroger le trompettiste du Malécon de la Havane, et lui demander pourquoi il joue ainsi depuis de si longues années ?
Peut-être joue-t-il simplement de la musique ? Tout simplement !
En attendant, il est là, encore là. Il est toujours là !

002 - Dans les pas de "Papa"

A La Havane, le "Floridita", et la "Bodeguita del medio" sont les premiers lieux à découvrir pour qui se lance sur les traces d'Ernest Hemingway.
Grand amateur de boissons alcoolisées, l'écrivain y avait ses habitudes. Il fit la renommée d'un nouveau cocktail : le daïquiri et appréciait toujours de prendre un bon mojito : "Mon daïquiri au Floridita et mon mojito à la Bodeguita".

La vielle Havane peut se visiter tout en gardant en mémoire et pour fil conducteur, les habitudes de "papa". C'est ainsi que le surnommait ses amis cubains. L’hôtel "Ambos mumdos", par exemple, au bas de l’interminable rue Obispo, où il séjourna souvent, avant de s'installer dans sa villa.
Les bouquinistes de la vieille place, située juste après, proposent "le vieil homme et la mer" sous diverses éditions, plus ou moins récentes. Des livres usés, tordus, jaunis, maintes fois lus et pris en mains. “Pour qui sonne le glas”, “Les neiges du Kilimandjaro”, parmi les plus connus, se disputent les étals, à coté du journal de voyage de Che Guevara et la poésie de José Marti. Bien entendu, on trouve les photographies et les posters noir et blanc de la période cubaine d’Hemingway.

Pour suivre un peu plus les traces d'Ernest, il faut ensuite quitter la ville, et s'éloigner de quelques kilomètres. A San Francisco de Paula, petit village animé et coloré, se trouve la finca “Vigia”. Hemingway avait élu domicile dans cette propriété, où il trouva la tranquillité indispensable à l'écrivain et le décor idéal au fêtard noctambule qu'il était. La villa se visite sans pour autant la pénétrer. Les touristes sont invités à faire le tour de la maison qui reste portes et fenêtres grandes ouvertes pour les photos. Le décor des années cinquante évoque le vie de l'écrivain. Ses années espagnoles par d'immenses affiches de corridas, et ses années africaines, par des trophées de chasses, accrochés aux murs. Sa machine à écrire côtoie les fusils du râtelier, comme un signe du destin, ou le rapide résumé d'une vie d'aventures.
Tout autour, le parc envahi d'une végétation luxuriante, invite à une certaine douceur de vivre, à l'ombre des grands arbres. Le petit chemin qui descend de la maison, amène jusqu'à la piscine où, dit-on, de belles actrices américaines comme la sublime Ava Gardner, aimaient à se baigner. Quatre petites tombes bordent un côté de la piscine. Ce sont celles des quatre chiens de “papa”. Cela pourrait étonner, si on s'arrête à l'image  d'homme bourru et chasseur de l'écrivain aventurier. La sensibilité de l'artiste très certainement ? 

La visite de la villa est un agréable moment. Elle permet de se replonger dans l’œuvre d’Hemingway, tout en parcourant les lieux et les instants de sa vie cubaine. Cette visite est aujourd'hui le rendez-vous de nombreux touristes, et notamment d'américains venus se plonger dans le passé de ce compatriote pas comme les autres.

On retrouve trace du passage d'Hemingway, dans le petit port de Cojimar, situé à un quinzaine de kilomètres. C'est là que l'écrivain trouva l'inspiration du “vieil homme et la mer”, prix Nobel de littérature en 1954. Il y rencontra le héros de son livre, et y venait souvent pour de longues et intenses parties de pêche au large. Le fantôme d'Hemingway rode dans les rues du petit village de pêcheurs, aujourd’hui bien décrépi. Le buste de l'écrivain se dresse au bout de la jetée, au pied du petit fortin où les touristes aiment à se faire prendre en photographies. 

Cojimar est un bateau naufragé, submergé par les flots d'un passé sans retour. Reste, le restaurant “la terraza”, où Hemingway venait apprécier rhum et bonnes paroles, après ses sorties en mer. Les murs y sont constellés de ses portraits comme pour retenir le temps.

Il faudra aux habitants de Cojimar faire preuve d'autant de ténacité et de volonté qu'en a eu le vieil homme face à l'espadon, s'ils veulent arriver à sauver leur petit port des assauts de l'océan et de l'ennui.

Sur le chemin du retour vers une Havane baignée dans la douce pénombre du soleil couchant, on se plait à imaginer Ernest Hemingway au volant de sa Pontiac, gros cigare en bouche, le vent jouant dans ses cheveux blancs et hirsutes, se délectant à l'avance de son daïquiri journalier.

Passer une journée havanaise dans les pas d'Hemingway offre l'opportunité  d'une découverte nostalgique. Une nostalgie qui reste le guide idéal de la capitale cubaine.

vendredi 18 janvier 2019

001 - Billet de La Havane


La bandera cubaine

Jeudi 17 janvier 2019

Nous voici enfin à Cuba, ce pays que nous n'avons pas revu depuis 2012, notre pays de cœur et d'adoption, où, dès que nous y posons le pied, nous avons le cœur joyeux et le sentiment d'être à la maison,

Nous avons atterrit de nuit à l'aéroport José Marti de la Havane et nous nous rapprochons du centre ville après avoir suivi la longue avenue jusqu'à la place de la révolution, où les visages illuminés de Camilo Cienfuegos et Ernesto Guevara dit le Che, nous sourient.


Ernesto Guevara
Camilo Cienfuegos, l'enfant chéri du peuple cubain


Nous descendons les rues animées de Centro Habana et débouchons sur le Malecón au bout duquel, la casa Ana, notre casa particular, nous attend.

Là, nous retrouvons avec un immense bonheur, nos amis cubains Imilce et Bartolome, qui gèrent les chambres d’hôtes de leur fille Ana-Isis, mariée avec Jean-Jacques, un français originaire d'Auch. Depuis quelques années, ils partagent leur temps entre la France et Cuba et ont acheté et restauré une maison de 1920, aménagée en chambre d'hôtes.

Imilce et Bartolome, nos amis santiagueros, aujourd'hui havanais

Nous nous installons pour trois nuits et c'est par la Havane que nous débuterons notre voyage au cœur de Cuba.



Vendredi 18 janvier 2019

Sept ans. Cela faisait sept ans que nous n'étions pas revenus.
En 2012, nous avions laissé La Havane, belle endormie, confrontée à son fragile destin ; une ville installée sur un point d'équilibre instable, battue par les vagues incessantes venues de l'Atlantique, et les tourments d'une vie sociale synonyme de survie. Les russes appellent cela « la nostalgie du passé », d'autres, « la politique de l'autruche », l'essentiel est de croire en des jours meilleurs et de s'en convaincre.  Et si vous n'arrivez pas à vous en convaincre, d'autres s'en chargeront, en vous soldant un bonheur au rabais, et pourtant si rassurant.
Notre avion avait quitté le sol cubain, cette terre qui nous est si chère, et nous étions plein d'espoir, certains de la retrouver pleine de vie et d'allant.

Sept ans plus tard, rien n'a changé à l'aéroport José Marti. Nous retrouvons l'atmosphère feutrée de la salle des arrivées. Les contrôles douaniers sont plus souples, et une section VIP a même été créée, permettant d'éviter les files d'attente, avec un accueil en salon particulier.

Notre bus de Gaviota, nous emporte vers la capitale, à travers la nuit havanaise. Le trajet est court jusqu'aux premiers immeubles, et, très vite, nous emménageons dans notre chambre d'hôtes, surplombant le Malecón.

Nos amis santiagueros, sont aujourd'hui habaneros. Ils nous accueillent avec le même sourire que celui que nous leur connaissions, et avec la même amitié.

Bartolome et Imilce




Les six heures de décalage horaire nous rattrapent tout à coup. Le sommeil nous appelle, et nous répondons à son invitation sans combattre.





 
Le lendemain, 9h00 du matin.
Petit-déjeuner sur le toit terrasse de l'immeuble. Face à nous, le bleu de l'océan, le bleu du ciel et, dans notre dos, les rayons déjà chauds du soleil cubain. Nous y voilà.
Nous dégustons notre café avec délectation, juste troublés par les va-et-vient des voitures, pourtant encore rares.

Sur le toit terrasse

Face à l'océan atlantique, le Malecón
 


En fin de matinée, nous arpentons les ruelles encombrées du cœur de ville. Nous retrouvons les odeurs, l'animation des trottoirs, les petits commerces, les gamins jouant au base-ball aux intersections, les voitures aux capots ouverts, immobilisées par une panne soudaine, les femmes criant à d'autres femmes penchées à un balcon au troisième étage d'un immeuble fatigué. La vie cubaine est là, immuable.






Au programme ce matin, le tour de ville complet. Des bus décapotables, d'un rouge étincelant, promènent les touristes aux quatre coins de la ville. C'est le moyen idéal, pour s'infiltrer dans la ville, prendre son pouls, écouter sa respiration.

La Havane

La Havane et le dôme du capitole en réparation
La Havane est usée. La Havane s'essouffle, menace de ne plus lutter, fatiguée de courber le dos. La Havane est épuisée. Les immeubles décrépis s'élancent dans le vide. Des amas de ruines font face à l'océan, jouxtant des immeubles flambant neuf, témoins désespérés d'un effort urbain ou cache-misère d'une fin annoncée. Les arches des maisons, griffées par l'air marin, s'émiettent à l'unisson, offrant un décor précaire pour l'usage du quotidien.









Sur le mur épais du Malecón, les têtes sont tournées vers l'horizon rêvé de l'ailleurs. Une jeunesse tatouée et désœuvrée tourne le dos à l’effondrement, préférant se plonger dans les écrans d'un présent virtuel.

Sur le Malecón

Le long du Malecón

Sur les murs du Malecón
A la finca de Papa Hemingwey, les bus se disputent le parking pour déverser des centaines de touristes venus de partout dans le monde. Des groupes d'américains, parlant fort, occupent l'espace sans la moindre gêne, certains de leur légitimité, dans ce lieu que l'un de leur compatriote avait fait sien.

Finca Vigia, maison d'Ernest Hemingwey

Que dire à cette femme de New-York ou de Washington, portant fièrement le béret à l'effigie du Che et de la révolution des barbus cubains ?  Que dire à cette masse de touristes, attirés par la photo d'un héro guérillero romantique ? Les héros sont fatigués, et leur révolution s'efface, ensevelie dans les profondeurs d'un glorieux passé, porteur de tant d'espérance.
La Havane pleure son patrimoine. Les larmes salées creusent ses rides profondes à la face du monde. Au gré de notre promenade, au fil des regards, et malgré les sourires, le renoncement se ressent. Dans un café de coin de rue, l'ennui rôde. Les serveuses sans occupation traînent sur le devant de porte. A notre arrivée, tel un vol de moineaux, chacune rejoint sa place. Le groupe de musique, jusque-là inactif, s'installe et entonne un morceau de musique traditionnelle, réagissant tel un vrai juke-box à notre venue.

A Cojimar, petit port de pêche, laissé à l'abandon, où Hemingway trouva pourtant l'inspiration de son « Vieil homme et la mer », une petite fille m'aborde, et de ses yeux tristes, me demande « quelque chose ». Rien de précis, juste quelque chose. Signe d'une profonde détresse.

Cojimar, petit port de pêche où Hemingwey allait pêcher l'espadon
Le touriste, dernier rempart avant l'ultime déflagration. La bouée à laquelle s'accroche tout un peuple, tout un pays. Les vieilles voitures américaines, sillonnent le Malecón, fardées à outrance,  offrant leurs courbes provocantes au regard des promeneurs des larges avenues. Des voitures devenues tout à coup, non une nécessité de transport, mais bien un fond de commerce salvateur. Mais pour combien de temps encore ?
Et les cubains dans tout cela ? Ils ont vieilli les cubains ! Abandonnés, esseulés, isolés. La lutte semble prendre fin. Entre exil et renoncement, entre fuite et acceptation.
Havane, belle Havane, qu'es-tu devenue ? Une vieille femme, trompée, bafouée, abandonnée toi aussi. Pourtant, tu as dû être si belle, avec tes magnifiques palais, tes larges avenues fleuries, tes longues promenades, tes places envahies de musique...
La Havane, ton agonie m'émeut, m'attriste.
Chère Havane, ce soir, je suis si triste de te retrouver, moi qui étais si heureux de te revoir. Nous t'espérons des jours meilleurs...







Quelques photos d'immeubles, rues et quartiers bien conservés qui donnent une idée de ce qu'à dû être La Havane au temps de sa splendeur et qui reflètent toute la magie et la nostalgie de cette capitale historique.

El paseo de Marti (anciennement Avenue du Prado) qui mène au grand "parque central" et au Capitolio


Balcons du paseo de Marti
Balcons du paseo de Marti

Maison le long du paseo de Marti

Paseo de Marti avec au fond le dôme du Capitolio et le grand théâtre national de la Havane

Lhôtel Inglaterra et le grand théâtre national de Cuba (le plus au fond)

El Capitolio construit entre 1920 et 1929, à l'identique de celui de Washington ; il est l'un des symboles de La Havane

Parque central de la Havane (aboutissement du paseo de Marti), joli place arborée et toujours très animée
Parque central

Bar-restaurant Le Floridita
Hôtel Ambos mundos où Ernest Hemingwey s'installait pour écrire avant d'acheter la finca Vigia

Hôtel Nacional, l'un des hôtels mythiques de La Havane (quartier du Vedado), autrefois rendez-vous de la mafia américaine














Université de la Havane (Centro Habana)
Mémorial José Marti, obélisque-pyramide en béton de style soviétique sur la place de la Révolution