samedi 31 janvier 2015

17 - Fatehpur Sikri, capitale d'Akbar le Grand

Depuis quelques kilomètres, nous avons quitté le Rajasthan, et sommes entrés dans la plaine indo-gangétique, région de l'Uttar Pradesh. L'autoroute à deux voies, traversée par des passages piétons bien inutiles, car seuls des suicidaires se risqueraient à les emprunter, nous rapproche d'Agra, objectif de notre journée. Un soleil chaud et généreux nous accompagne, la visite au Taj Mahal s'annonce sous une lumière idéale. Avant d'y parvenir, nous faisons halte à Fatehpur Sikri, qui fut l'éphémère capitale de l'empire Moghol, sous le règne de l'empereur Akbar. Aujourd'hui, cette fabuleuse cité porte le nom de ville abandonnée. Elle resta capitale pendant douze années, avant d'être désertée, puis, oubliée. Nous découvrons un lieu impressionnant, à la découpe architecturale propre à l'usage Moghol. Ici, le terme "zenana" disparaît laissant place au "harem". Pour mieux comprendre l'immensité des lieux, il faut savoir que le harem d'Akbar comptait près de cinq mille femmes, qui vivaient là, entre ces murs. Ces femmes étaient réparties en diverses catégories selon l'usage que voulait en faire l'empereur. Les "bégums" étaient les préférées, les "concubines" étaient réservées aux plaisirs, ensuite, il y avait les esclaves, puis enfin, venaient les servantes.  Autour, des milliers de serviteurs, artisans, et bien sûr, les soldats. Dans cette grande cité, cours intérieures, palais, pavillons, bassins, et kiosques se mélangent, se superposent, délivrant ainsi toute la puissance d'un empire conquérant.
Avant de reprendre notre route, nous allons visiter la grande mosquée "Jama Masjid", jouxtant les murs d'enceinte de Fatehpur Sikri. L'immense esplanade intérieure de la mosquée nous accueille, une fois passée la sublime porte ; elle peut accueillir jusqu'à dix mille fidèles. Le lieu  recèle le tombeau de Sheikh Salim, le Saint homme qui avait prédit à l'empereur Akbar qu'il aurait un fils en ces lieux. Certains iraient jusqu'à dire que la cité aurait été édifiée par l'empereur moghol pour honorer ce présage réalisé.
Texte Henry Lavesque, Photos Hélène Gros, Fabienne Lavesque
 

16 - Jaipur, la ville rose

Nous entrons dans Jaipur, capitale du Rajasthan, avec ses trois millions d'habitants. La route pour y parvenir a été assez tranquille, pour la plus grande partie sur l'autoroute à trois voies. Dès les premières avenues, la circulation est indescriptible dans cette ville baptisée «la ville rose». Ce nom  lui vient de la visite du prince de Galles en 1876, le maharadjah de l'époque ayant ordonné aux habitants de la ville de peindre leurs maisons en rose, en l'honneur de son glorieux visiteur. En échange, ces derniers reçurent compensations financières sous diverses formes. Nous traversons les abords de la vieille ville. Les avenues sont larges. Chaque commerce forme une avancée avec terrasse au dessus, et permet la déambulation des acheteurs sous les arcades. Tout à coup, le « Hawa Mahal », connu sous le nom de « Palais des vents », nous apparaît avec sa haute façade sur cinq étages, et d'innombrables petites ouvertures en forme d'alvéoles qui permettaient aux femmes de ce palais, d'observer le spectacle de la rue, bien  l'abri des regards. Nous poursuivons notre traversée de la ville pour aller admirer le « Jal Mahal » refléter ses façades ocres dans les eaux du lac Sagar. Ce magnifique bâtiment semble poser sur l'eau, et exprime une grande sérénité. Nous battons le pavé de la longue promenade ensoleillée qui borde le lac où des vendeurs ont installé leurs petits stands de souvenirs. Ici, les indiens aiment à venir flâner en famille, en dégustant des glaces ou de larges crêpes craquantes. Ce long et large boulevard, agrémenté d'une pelouse parfois clairsemée, donne à la ville un petit air de station balnéaire. Avant de retrouver notre hôtel, nous faisons une halte au temple de Birla, dédié à Vishnu. Dans sa totalité construite en marbre blanc, l’impressionnante bâtisse a été offerte par un millionnaire indien. Nous découvrons de nombreuses sculptures sur les murs narrant diverses scènes de l'hindouisme, et pour la première fois, de magnifiques vitraux, offrant à l'intérieur du temple, une lumière voilée. Il est à noter que le temple possède trois couvertures successives, un toit pyramidal pour représenter l'hindouisme, une coupole pour le bouddhisme, et un dôme pour l'islam. Il est la représentation de l'idée de tolérance prônée par l'hindouisme. On y trouve bien entendu les représentations de ses divinités, mais chose rare, on y rencontre des statues du Christ, de la vierge Marie, de Confucius, de Zarathoustra, de Saint-Christophe, pour ne citer que celles là.
A la sortie du temple, nous retrouvons nos chaussures et notre bus, pour rejoindre une bien sympathique guest house, située dans un quartier huppé de Jaipur, occupé par médecins, dentistes et autres avocats. Juste à côté, un petit jardin entouré d'une piste, accueille des jeunes femmes et des personnes d'un certain âge, occupées à faire leur marche active à un rythme soutenu. La petite pension possède de confortables chambres, et une belle terrasse sur le toit, offrant une vue imprenable sur la ville. Au pied d'un brasero, allumé pour lutter contre la froideur soudaine, nous goûtons un succulent thali, accompagné des traditionnels chapati.

 


Le petit déjeuner nous a réchauffé. Ce matin, l'eau de la douche était froide, suite à un problème électrique. Peu importe, une bonne omelette, quelques pan-cakes, un bon « black tea », et nous sommes prêts pour une nouvelle journée à travers la ville de Jaipur.
Ce que nous allons découvrir en tout premier lieu dépasse l'imagination. 
Tapis au fond d'une jeep, nous grimpons les quelques kilomètres qui nous amènent jusqu'au fort d'Amber. Les singes nous suivent du regard. Tout à coup, au détour d'un virage, la forteresse apparaît devant nous, avec ses hautes murailles jaunes. Cette citadelle imprenable, nous plonge dans les aventures « d' Indiana Jones et le Temple maudit ». Les éléphants colorés, y transportent les touristes sur un rythme d'usine. On grimpe sur l'éléphant, on gravit la pente, on descend de l'éléphant, et ce dernier redescend la pente, recharge des touristes, et remonte jusqu'au fort. De notre côté, nous avons choisi d'y accéder en jeep, les éléphants souffrant de cette marche sur le goudron. Une fois passée la porte principale (porte du soleil), sous la musique des tambours, comme ils le faisaient alors pour annoncer l'arrivée du Maharadjah, nous découvrons une cour monumentale. Cet espace ceint d'une haute muraille dentelée, servait aux écuries, de casernes et logis du personnel. Au dessus, une deuxième cour surplombe la première. De dimension plus petite, elle est ornée de façades peintes de fresques où la couleur bleue domine. Elle était utilisée pour les audiences publiques. Par la Ganesh Pol, porte monumentale, on accède à la partie privée du palais, ouvert sur un petit jardin aux plantations bien symétriques, bordant un système d'irrigation pour son arrosage. Comme dans tous les palais, on y retrouve les zenana, appartements des femmes, contenant eux-mêmes, douze petits appartements séparés, destinés aux douze femmes du Maharadjah. Si ce dernier pouvait accéder facilement à chacun des appartements, les femmes, elles, n'avaient aucune issue sur les appartement des autres femmes, et ce pour éviter toute jalousie. Le cadre architectural et naturel de ce palais est vraiment majestueux. Nous y passons la matinée à traverser des couloirs en enfilade, tout en profitant de la vue plongeante sur le magnifique jardin de type moghol, situé au pied du fort. Tel une pieuvre géante, le fort d'Amber déploie d'interminables remparts dans les montagnes alentours, qui se perdent à l'horizon. Cette visite restera un des grands moments de notre voyage.

Nous redescendons vers Jaipur, pour nous rendre au City palace, situé au coeur de la ville, et résidence actuelle du maharadjah. Là encore, il s'agit d'un majestueux palais, avec ses cours intérieures pour audiences publiques et privées, ses grandes esplanades, et vastes portes qui permettaient l'accès aux éléphants. Le musée situé à l'intérieur même des murs du palais permet de mieux approcher le quotidien de ces dynasties qui ne connurent que fastes et richesses. A la sortie, nous nous accordons un instant dans le Jantar Mantar, observatoire astronomique construit par le maharadjah Jai Singh II. Ce passionné d'astronomie et d'astrologie a d'ailleurs fait bâtir quatre autres observatoires  semblables dans le pays. La tête encore dans les étoiles, nous grimpons dans des rickshaw qui nous transportent au fil des petites rues marchandes de la vieilles villes. Tout y est organisé par corporation. La rue des bijoutiers, des ferronniers, des marchands de tissus. Chaque boutique est accolée l'une à l'autre et, ici, personne ne semble redouter la concurrence. Notre conducteur fait de son mieux pour extraire son vélo d'un autre âge, de la cohue des passants. Heureusement, dans ces ruelles étroites, les voitures ne peuvent accéder. L'atmosphère y est joyeuse, débordante d'activités. Dans un magasin, un vingtaine de femmes en sari font face à deux ou trois vendeurs qui déplient devant leurs yeux experts, des dizaines d'interminables rouleaux de tissus multicolores. Un employé du magasin leur apporte les tasses de thé pour les aider à mieux faire leur choix.  Nous déambulons ainsi véhiculés encore quelques minutes, avant de prolonger notre visite du bazar à pied. Ce n'est qu'au moment où le soleil déclinera, que nous prendrons le chemin de notre hôtel.

Demain s'annonce comme une journée particulière, nous avons rendez-vous avec le Tahaj Mahal, en espérant que le beau le temps sera à nos côtés. 
Texte Henry Lavesque, Photos Hélène Gros, Fabienne Lavesque
 

vendredi 30 janvier 2015

15 - Pushkar, ville de Brahma

Ce matin, nous nous sommes levés un peu plus tôt. Nous avions décidé de nous enfoncer dans le marché de la vieille ville de Deogarh, avant de filer vers Pushkar. Les petites rues commerçantes sont à peine éveillées, et encore calmes. Les rideaux de fer se lèvent, les uns après les autres. Les commerçants prennent place, arrangent leurs étals, envahissent la ville. Tout à l'heure, l'activité sera à son paroxysme, orchestrée par  l'habituelle circulation. Mais en attendant, il règne dans ces ruelles une ambiance bon enfant, tranquille. Nous nous arrêtons devant un premier étal, c'est une souriante jeune fille qui nous accueille. Elle nous présente son stock en hurlant derrière elle, des mots que nous ne comprenons pas. Une autre jeune fille apparaît, elle aussi pleine d'activité. Elle ouvre des sacs, décroche des colliers, des bracelets. La première se lève et part en courant dans la salle du fond. Un jeune garçon en ressort en pyjama et se joint à la deuxième jeune fille. La première réapparaît accompagnée d'une dame plus âgée qui doit être sa mère. Ça y est, désormais, toute la famille est au complet, le calme revient. La vente peut avoir lieu. La première vente du matin est déterminante selon la tradition des commerçants. Petite ou grosse, l'important est de ne pas la manquer, car d'elle dépendra la réussite financière de la journée. Un peu plus loin, deux jeunes filles nous présentent de très beaux bracelets en argent. Les tractations s'engagent. Le choix fait, il convient de tomber d'accord sur le prix. Le père, qui jusqu'ici se tenait en retrait, intervient pour la négociation. Les chiffres changent, baissent, montent. La négociation s'arrête, puis reprend. Nous partons un peu plus loin, une des jeunes filles nous rattrapent dans la rue. Elle est d'accord pour notre dernier prix. Tout le monde arbore un large sourire, la première vente du matin a bien eu lieu, même si le commerçant n'a peut-être pas gagné autant qu'il le souhaitait. L'important est que la première vente se soit réalisée, de meilleures sont à venir au cours de la journée. Il en est certain. En retournant sur nos pas, nous croisons une fanfare qui donne l'aubade devant une maison, sans doute les premières heures d'un mariage.
Il est temps maintenant de prendre la route vers Puskhar.

Puskhar est la ville de Brahma. La légende dit qu'une malédiction a été jetée à Brahma, selon laquelle il ne serait vénérer que dans une seule ville de l'Inde : Pushkar. Le seul temple dédié à Brahma se trouve donc à Pushkar. Nous y pénétrons par une montée d'escalier abrupte. Il s'agit d'un temple assez modeste, tout en couleur, où les fidèles viennent apporter leurs offrandes, s'inclinant devant la statue de la divinité. Les indiens y défilent en silence, en prière, en adoration.
A la sortie du temple, nous croisons les invités d'un mariage, précédés de l'inévitable fanfare, et suivis de quelques charrettes à bras, remplies de cadeaux destinés aux mariés. 
Un peu plus loin, nous débouchons sur les ghâts encerclant un petit lac. A cette heure de la journée, il n'y a pas grand monde. Un prêtre s'avance vers nous, afin de nous initier à la prière. Il nous distribue une petite assiette contenant des pétales de roses, du riz, de la poudre de couleur, une noix de coco. Assis sur les premiers escaliers nous répétons avec lui les mots des prières destinées à la famille, aux proches, aux morts. A la fin de la prière, il nous invite à jeter nos offrandes (sauf la noix de coco), dans les eaux du lac, et à faire une donation ! Ce lieu, éclairé d'un franc soleil, est vraiment sublime. Au loin, un groupe d'hommes se lave dans les eaux, sous le regard tranquille de quelques singes s'empiffrant de pétales de roses. Un vol de pigeons s'élève vers le ciel. Doucement, la journée s'étire.
Nous retrouvons notre nouvel hôtel “Jagat Palace”, toujours aussi magnifiques que les précédents, après avoir traversé à pied le long marché de Pushkar. Aux échoppes traditionnelles se mêlent de nombreuses boutiques pour touristes. La rue suit les contours des ghâts, les petits temples s'y succèdent, ainsi que les pâtisseries, et les étals de petits artisans. Nous y croisons tout un lot de “baba-cool” qui semble avoir trouvé leur voie en Inde. Si la caricature du touriste de base avec son appareil photo, sa banane autour de la taille, et sa casquette “Puy du fou” sur la tête, existe bien, celle du “baba”, loin de tout conformisme existe, elle aussi. Dans cette petite ruelle, nous en avons rencontré quelques uns. Ils semblent faire partie du décors, et pourraient bien devenir demain, une curiosité pour de futurs touristes. A deux pas, nous croisons à nouveau une fanfare tirant derrière elle tout un groupe de femmes en habits traditionnels, véritable arc en ciel de tissu.
La journée s'achève avec les dernières boutiques du marché.

Demain, nous partons pour la plus grande ville du Rajasthan : Jaipur.
Texte Henry Lavesque, Photos Hélène Gros et Fabienne Lavesque

14 - Deogarh, à la rencontre des villages tribaux

Le long chemin est bien vite oublié, en arrivant à notre hôtel, le Jagat Palace. Une immense bâtisse aux couleurs ocres et rouge brique, qui s'enroule autour d'une immense cour intérieure. A chaque étage, une nouvelle découverte. Les terrasses dominent la ville baignée de soleil, de petits salons se succèdent avec leurs balcons suspendus, de profonds fauteuils invitent à une halte pour profiter de la vue. Notre étape dans la petite ville de Deogarh s'annonce agréablement.
Passée une petite heure pour l'installation, nous grimpons dans un véhicule tout terrain, avec pour guide un charmant indien aux longues moustaches grisonnantes, coiffé d'un turban multicolore. Avec lui, nous allons sillonner la campagne environnante. Nous pénétrons au coeur de petits villages, où les enfants nous accueillent avec de grands sourires, et des signes de la main. Nous faisons un arrêt à un temple dédié à Shiva, que prolonge une grotte, sur les parois de laquelle d'innombrables chauve-souris, suspendues la tête en bas, attendent patiemment que le jour veuille bien se retirer. La route fait place à un chemin, puis une piste, nous profitons pleinement de ces instant pour découvrir la fin de journée quotidienne des paysans indiens. Une fin de journée qui ressemble en tout point à celle des campagnes des quatre coins du monde. Les femmes rentrent les troupeaux de chèvres et de vaches, rapportent l'eau à la maison dans de hautes cruches. D'autres rassemblent du bois pour le feu du soir ou déversent les légumes dans de grosses vasques chauffées sur le feu. Les enfants jouent au bord du chemin, les fillettes sont rassemblées en petits conciliabules, les hommes entament de longues conversations en attendant le repas. Des scènes d'une vie quotidienne dans laquelle les saris des femmes et les turbans des hommes, nous rappellent que nous sommes en Inde. Notre guide nous demande de descendre pour aller admirer le coucher du soleil, sur un petit lac, entouré de palmiers, où les martins-pêcheurs s'activent à leurs derniers plongeons sur le dernier poisson de la journée. Une petite nappe étendue sur le rocher, des petits gâteaux faits maison, un thé et un café bien chauds, c'est l'heure du brunch, en attendant que le soleil disparaissent sur un horizon couleur de feu. A cet instant précis, assis sur ce rocher, admirant le soleil, nous ne sommes plus en Inde. Nous pourrions être n'importe où dans le monde. Nous sommes seulement là, en pleine nature à profiter de ce moment, à se sentir vivant.
Le retour se fera dans la vive fraicheur du début de soirée, bien vite réchauffée par les épices soutenus d'un bon repas indien au son d'un groupe de musique traditionnelle du rajasthan et de ses danseuses acrobates.

Demain, nous partons pour la ville sacrée de Pushkar.

Texte Henry Lavesque, Photos Hélène Gros, Fabienne Lavesque