dimanche 21 juin 2020

Provence et Alpes

L’orage gronde au-dessus de la vallée, et sa colère se déverse tout à coup, sur le petit village de Saint-Julien-du-Verdon, blotti sur les rives du lac de Castillon. De lourdes gouttes cognent sur le toit du fourgon, et les éclairs se mêlent au spectacle. Nous sommes arrivés en fin d’après-midi, dans le jardin de Jack et Line, qui réservent un coin de leur pelouse, aux voyageurs de passage. Juste le temps de descendre au village, avant de voir l’horizon s’encombrer de menaçants nuages noirs. Saint Julien du Verdon semble tremper sa nostalgie dans le lac, et attendre. Nous croisons de rares habitants, pas de commerce, et les bases nautiques, autour de l’étendue d’eau, semble s’essouffler d’espérer les touristes. Aucun commerce pour animer le bourg, personne sur les bancs de la place, juste deux gamins à vélo, rap à fond, tournant en rond sur l’aire de stationnement. Seul, le lac s’amuse à chatouiller les petits catamarans abandonnés sur ses rives, et lui aussi semble attendre.  
Contraste étonnant avec notre visite, en fin de matinée, dans le joli village de Moustiers-Sainte-Marie. Classé parmi les plus beaux villages de France, il mérite amplement ce titre, à tel point que ce qui devait être pour nous, une petite halte, est vite devenue une étape. Il est vrai que le soleil de la Provence rayonnait comme aux plus beaux jours. On pouvait presque sentir les parfums de lavande montant de la vallée. Une douce atmosphère de début d’été, avec des visiteurs bien décidés à prendre le temps. Moustiers est un village qui vous présente son âme, son quotidien. Les touristes sont, bien entendu, attendus et espérés, pourtant, au fur et à mesure que l’on avance dans les petites ruelles, on se sent comme invités, presque privilégiés d’être là. Alors, on devient curieux, on cherche, on s’informe, on s’installerait presque. A la terrasse d’un bistrot, derrière une jolie table de restaurant, sur un banc surplombant la cascade, ou simplement sur le bord du petit mur protégeant le chemin de croix que l’on gravit jusqu’à l’église de Notre-Dame-de-Beauvoir. On apprend qu’un chevalier avait fait vœux, s’il revenait sain et sauf des croisades, de tendre une chaîne et son étoile entre les deux pics surplombant la ville. En levant la tête, on aperçoit l’étoile, et l’on se dit qu’il est donc revenu. Légende ! Moustiers a tout pour vous retenir, la visite y est agréable et variée.  Il est déjà le milieu de l’après-midi, le temps s’est écoulé sans bruit.
Nous prenons la direction du lac de Castillon, dans des paysages où champs de lavande succèdent à de denses forêts de chênes verts, des vallons jaunis de blés, et des pinèdes étroites. Il règne un petit air de Toscane, ici ! Devant nous, les nuages se regroupent se colorant d’un gris anthracite, et laissant échapper de rares gouttes qui viennent s’écraser lourdement sur notre parebrise. Une heure plus tard, nous arrivons à Saint-Julien-du-Verdon, et l’orage est là.
En fait, nous arpentons les Alpes-de-Haute-Provence depuis trois jours.
Notre première étape nous mena … dans les oliviers. Dans la petite localité de Les Mées. Un petit village, qui pourrait passer inaperçu, s’il n’était pas surveillé, par une impressionnante curiosité géologique « Les pénitents ». Une haute falaise, un rempart naturel posté à l’arrière du village. Une curiosité impressionnante, tant par son étrangeté, que par le danger permanent qu’elle semble faire subir au village, implanté à ses pieds. Une promenade de deux heures en offre une découverte au plus près.  Nous avons passé la nuit dans le champ d’oliviers, et avons fait la petite randonnée au matin, sous un soleil des plus lumineux.
Le périple s’est ensuite poursuivi un peu plus au nord-est, vers la ville de Digne-les-Bains, avec une visite à la maison d’Alexandra David Néel. En raison du virus, il nous fût impossible de pénétrer dans la maison, seuls musée et jardin étaient ouverts. Ce musée, tout récent, puisque inauguré en juin 2019, suit pas à pas (c’est le cas de le dire), le chemin parcouru par cette femme « de caractère », qui la mena jusqu’à Lhassa, au Tibet, alors cité interdite, où elle parvint à vivre et se faire accepter. On découvre que derrière ce portrait de femme d’aventures, se cachait celui d’une femme encore plus déterminée, porteuses d’idées religieuses, philosophiques, sociales, en avance sur son temps. Soucieuse de la condition des femmes, porteuse d’idées nouvelles, voire révolutionnaires, Alexandre David Néel est venue terminer sa vie à Digne, où, alors, âgée de cent ans, elle fit sa demande de renouvellement de passeport.. Digne est une petite ville de province, active et animée. L’aménagement, au bord de la Durance, qu’il soit de détente ou sportif, est bien réussi, et les familles, les bandes de copains, les amoureux, aiment se retrouver sur les pelouses autour du plan d’eau, profitant du soleil, et des coins de fraicheur. C’est selon !
Dès le lendemain, notre route suivra les méandres capricieux, et les gorges escarpées du Verdon. Des paysages à couper le souffle, de vertigineux à-pics, des belvédères étourdissants offrant une vue plongeante, des abîmes à en perdre l’équilibre. Les sculptures du Verdon sont étourdissantes, et ne laissent pas indifférents. La nature est là, sans égal, dans sa force et sa ténacité. L’homme est renvoyé à sa propre dimension : petit et éphémère. On ressort de ces gorges étroites, prêtes à dévorer, avec le sentiment de plénitude, et d’être vraiment vivant. C’est fort, vivifiant, et inquiétant à la fois. Heureusement, pour nous permettre de libérer toute cette pression, à peine expulsés des gorges du Verdon, notre vue se plonge dans les eaux turquoises du lac de Sainte-Croix. Calme, volupté, émerveillement, le cœur revient à son rythme de croisière, au fur et à mesure que le lac nous ouvre ses bras. Nous passons la nuit au-dessus du village de Sainte-Croix-de-Verdon, entourés d’immenses champs de lavande, qui offrent généreusement leur parfum et leurs belles couleurs estivales. Juste avant que le soleil ne se couche, nous nous offrons un petit tour à vélo jusqu’au village, pour serpenter dans les ruelles animées. Ici, tout est tourné vers le lac, les maisons et les balcons s’y penchent, les amis lèvent leurs verres en le regardant dans les yeux. Ce lac est certainement, l’unique perle turquoise connue.
Parmi les attraits des Alpes-de-Haute-Provence, figurent les villages. Qu’on les trouve se mirant dans les eaux d’un lac, perchés en aplomb d’une rivière agitée, ou dans la tranquillité reposante d’un plateau rocailleux, ces petits villages s’ouvrent aux visiteurs avec toute leur générosité. Moustiers-Sainte- Marie, Sainte-Croix-du-Verdon ou Castellane, racontent leur histoire à qui veut bien prendre le temps de l’écouter. Castellane, ouvre la route des gorges du Verdon. C’est un gros bourg, fracturé par la rivière, et sur lequel veille Notre-Dame-du-Roc. Il faut gravir le chemin empierré, doublé d’un chemin de croix, pour parvenir à la chapelle. De là, la vue est magnifique, sur la vallée, et sur l’activité de cette petite ville, dont l’unique souci semble être de profiter pleinement des dons de la nature.
Le matin, le premier réflexe consiste à ouvrir le petit lanterneau qui surplombe notre lit. Ce matin, c’est un ciel d’un bleu parfait qui nous est apparu. Oublié le violent orage de la nuit. Quitter Saint-Julien-du- Verdon nous fut facile, tant ce village nous parut morne et sans vie. On nous avait parlé du village d’Entrevaux, situé à une trentaine de kilomètres. Pour y parvenir, nous avons suivi une route sinueuse, se jouant des courbes de la rivière en fond de vallée. Le soleil nous précédait. Parvenus à Entrevaux, nous partons parcourir le vieux village, dont l’accès se fait par un pont levis, nous plongeant ainsi immédiatement dans l’atmosphère de ce village fortifié. Vauban y a laissé son empreinte. La citadelle, telle un nid d’aigle, surveille la profonde vallée, et protège le village. Les ruelles étroites se croisent et s’entrecroisent, de petites places abritent, là, une crêperie, ici, une boutique de produits locaux. C’est d’ailleurs dans la boutique « La Provence », que nous faisons connaissance de la propriétaire. Cette dernière vient tout juste de s’installer, et nous confie que nous sommes ses premiers clients à déguster son assiette végétarienne (succulente !). Nous y découvrons la spécialité locale « La secca », (viande de bœuf séchée, qui fait un peu penser à la coppa). Nous faisons notre petit marché, non sans avoir au préalable, gravit la vertigineuse pente qui mène jusqu’à l’imprenable citadelle. Entrevaux est un magnifique village, qui égrène son histoire autour de la statue de Vauban, et de la lettre de François 1er à ses courageux et fidèles habitants.
Un deuxième village est sur notre route du jour. Colmars-les-Alpes est également un village médiéval, gardé par deux forts, et ceint d’un rempart. Mais, aller d’Entrevaux à Colmars, n’est par une affaire simple. La route reliant les deux villages passe par le col des champs, culminant à plus de deux mille mètres. Avant d’arriver au col, la route est magnifique, même magique, lorsqu’elle se construit un passage dans « les gorges de Daluis ». La route s’impose, bouscule la roche, éventre la montagne, livrant des points de vue étourdissants. Les cascades se jettent dans le vide, et surtout, la roche rouge est omniprésente, colorée à outrance par les rayons du soleil. Les nombreux tunnels et percements témoignent de la lutte acharnée de l’homme pour dompter cette « puissance rouge ». Un spectacle envoutant, spectaculaire. Sortis des gorges, la route s’élève rapidement, et le paysage s’habille des couleurs montagnardes. Les vallées s’élargissent. Des pics vertigineux apparaissent au-dessus de nous, laissant entrevoir des grosses taches glacées, derniers témoins d’un hiver passé. Derrière le col des champs, on plonge sans hésitation, sur la vallée qui doit nous mener jusqu’à Colmars-les-Alpes. Autant la route jusqu’au col était large, autant celle descendant par l’autre versant était étonnement étroite. L’explication nous est donnée à notre arrivée. Une explication encore plus étonnante, puisque politique ! Côté montée, nous étions dans le département des Alpes-Maritimes (riche), côté descente dans le département des Alpes-de-Haute-Provence (moins riche). Voilà !
Colmars-les-Alpes, est un charmant petit village qui mêle son ambiance montagnarde, à son histoire médiévale. On traverse le vieux village, par de petites ruelles pavées, guidé par le chant des nombreuses fontaines délivrant une eau limpide et fraîche. Même si, à première vue, Entrevaux, est bien mieux conservée, Colmars-les-Alpes n’en demeure pas moins une étape à faire sur la route des villages des Alpes-de-Haute-Provence. C’est ici, d’ailleurs, que nous passerons la nuit.
Lassé d’attendre notre réveil, le soleil s’en est allé éclairer les petits chemins qui entourent Colmars-les-Alpes.  Petit-déjeuner vite avalé, nous enfilons nos chaussures de marche, pour effectuer la courte balade à travers les sapins, qui doit nous amener jusqu’à la cascade de la Lance. Un petit sentier longe une rivière tourmentée et bruyante. Quinze minutes plus tard, nous parvenons à une jolie cascade, haute d’une vingtaine de mètres. Une bonne mise en jambe pour débuter cette nouvelle journée.
Une fois les préparatifs du fourgon achevés, nous prenons la route, direction Barcelonnette. Il est déjà midi. Devant nous, l’ascension du col d’Allos, bien connu des cyclistes désireux de boucler la route des trois cols mythiques (Allos, col des champs, la Cayolle). Rapidement, nous prenons de la hauteur, profitant d’une route encore large et parfaitement entretenue. Nous traversons la station d’Allos, bien calme, pour ces premiers jours de l’été. En levant la tête, nous pouvons apercevoir la succession de lacets en épingle à cheveux qui nous tirent vers le sommet. La conduite est déjà plus aisée que dans le col des champs, la route étant plus large, et la visibilité plus profonde. De plus, nous croisons vraiment très peu de véhicules. Nous passons donc le col sans encombre, après avoir fait la traditionnelle photo devant le panneau indiquant les 2.250 mètres d’altitude. La descente sur Barcelonnette demande de la concentration. Le paysage est bien entendu féérique, des deux côtés du col. Ah, oui, dernière précision, au col, il faisait 10 degrés !
Nous arrivons dans la petite ville de Barcelonnette, sous un crachin hivernal.  Quelques minutes plus tard, c’est un soleil radieux qui inonde la vallée. La montagne quoi ! La ville est commerçante, de nombreux petits commerces animent le centre-ville. Cette cité a une singulière particularité. Elle possède des liens étroits avec le Mexique, et ne s’en cache pas. Au contraire, des noms de rues, de commerces et des animations font référence au pays de Frida Calo et Pancho Villa. L’explication est simple, au milieu du 19ème siècle, des habitants de Barcelonnette partirent au Mexique, devenu un Eldorado, dans l’espoir d’y faire fortune dans la draperie. Certains réussirent, créant les premiers grands magasins. La plupart d’entre eux, prirent la nationalité mexicaine, et restèrent là-bas. D’autres revinrent au pays, fortune faite, et y firent bâtir de somptueuses maisons, qui s’égrènent dans les quartiers de la ville. Il existe un petit parcours qui permet de voir ces maisons, encore habitées, et ainsi, prendre conscience de l’argent amassé par ces conquérants d’un nouveau monde.
La visite de Barcelonnette est agréable. Il faut faire une halte dans la belle librairie de la place Manuel, se perdre dans les petites rues, et pourquoi pas, suivre la petite promenade des vergers qui surplombe la cité. Ce que nous avons fait, avant de reprendre la route en fin de journée, pour rejoindre le lac de Serre-Ponçon. Le soleil baissant, nous nous arrêtons dans le petit village de Sauzet-du-Lac, qui forme un véritable balcon sur les eaux turquoises du lac. Un tout petit bourg de moyenne montagne, joliment fleuri, où il fait bon flâner dans les petites ruelles escarpées. Nous trouvons un « spot » idéal à l’entrée du village, pour garer le fourgon, et profiter des derniers rayons du soleil. Demain, nous descendrons sur les rives du lac, et poursuivrons notre périple.
Quel bonheur ! Se réveiller avec la vue plongeante sur le lac de Serre-Ponçon. Le soleil se reflète dans les eaux calmes du lac, mais l’air matinal est encore frais. Aujourd’hui, nous devons faire le tour du lac. Savines-le-Lac devait être notre première étape, mais ce village, un peu trop « neuf », sorte de petite station balnéaire lacustre, sans trop de caractère, du moins, sans surprise, ne nous donne pas l’envie d’y faire halte. Nous poursuivons donc notre route vers l’intérieur des montagnes, sans perdre de vue le lac pour autant. La route se rétrécit. Les lacets se succèdent,et après une bonne demi-heure de route, nous parvenons à notre objectif du jour : « Le parcours des fées ». Une randonnée artistique, sur le territoire de la commune de Crévoux. Le fourgon garé sur un carré d’herbes grasses, les chaussures parfaitement ajustées, le sac à dos bien serré, nous entamons donc cette randonnée d’un accès dit « facile », avec seulement trois cents mètres de dénivelé, et qui doit durer deux bonnes heures. Nous suivons une torrent agité, sur un petit sentier empierré, avec de temps en temps, un petit pont champêtre, enjambant les eaux tourmentées. « Le parcours des fées », nous promène dans un décors naturel magnifique, à la découverte d’une série d’œuvres artistiques monumentales, d’installations éphémères, installées çà et là, par les créateurs, au grès de leur inspiration, ou des lieux. A travers leurs créations, les artistes livrent et nous font partager leurs sentiments personnels, en particulier sur l’environnement et les bouleversements climatiques. On y découvre des cabanes suspendues dans les arbres, comme emportées par un typhon. Un homme se jetant dans le vide, en lévitation, pour se défaire d’un monde qu’il ne comprend plus. Le retour des méduses dans les montagnes, pour revenir à ce qui a été. En tout une vingtaine d’œuvres d’art, plus surprenantes les unes que les autres, semées dans les pentes abruptes de cette petite vallée. La promenade est rythmée par la mélodie joyeuse des cloches des vaches, paissant dans les prés, et le vacarme de la magnifique cascade de Razis, qui surplombe le chemin, propulsant ses eaux pures à travers un goulée rocailleux. Il nous aura fallu deux heures, comme nous l’avait indiqué la jeune fille de l’accueil pour réaliser cette boucle.
Nous descendons donc dans la vallée, afin poursuivre notre visite des villages bordant le lac de Serre-Ponçon. Nous consacrons une bonne heure à découvrir les ruelles animées d’Embrun. Plus qu’un village, Embrun a la dimension d’une petite ville. Comme partout quelques commerces ont définitivement baissé rideau, mais de nombreuses boutiques demeurent, et donnent au centre-ville une joyeuse atmosphère. La promenade dite de « l’archevêché » offre une superbe vue sur la vallée de la Durance. Si Embrun fût une belle surprise, il n’en fût pas autant du village de Chorges. Bruyant, ouvert aux voitures, et surtout parsemés de boutiques made in china, sans intérêt. Nous y achetons tout de même une appétissante tarte des Alpes à la framboise, que nous dégusterons ce soir.
La journée prenant fin, il faut désormais penser à se rapprocher de notre point de retour. Nous faisons cap sur Sisteron, où nous allons passer la nuit.
Hier soir, la fatigue a eu raison de nous. C’est dans le sympathique camping « Le Jas du Moine », à trois kilomètres de Sisteron, que nous garons notre fourgon, juste devant un magnifique champ de lavande. Solution idéale lorsque, fatigués, vous n’avez pas le courage de chercher un bon spot ou une aire adaptée. A peine le diner terminé, nous entamons une bonne nuit de sommeil. Une nuit si douce, qu’à notre réveil, nous sommes surpris de constater qu’il est déjà dix heures du matin. Un bon petit déjeuner à l’ombre des chênes, les vérifications d’usage, et dix minutes plus tard, nous déambulons dans les rues de Sisteron, à l’ombre de l’imposante citadelle. L’animation de la matinée est le marché. En bon marché Provençal, les étals, ici, se mélangent à l’accent appuyé, aux bonjours des voisins, aux tintements des verres qui s’entrechoquent pour un apéritif entre amis, aux vendeurs de melons qui arranguent la foule. Les couleurs se superposent, le rouge tomate, le vert olive, le jaune citron, le blanc fromage de chèvres, la palette est complète. Et bien entendu, au-dessus de tout cela flotte le parfum de la lavande, du romarin et du basilic. Pour un peu, on fredonnerait la chanson de Bécaud. Le marché de Sisteron se faufile dans les ruelles, s’étage, se resserre. Dans la rue droite, un attroupement, à la petite galerie de peinture. Tapenade et vin de Provence, discussion et tape sur l’épaule, le peintre du jour présente ses œuvres aux couleurs locales. Amis, curieux, passants, vont de tableau en tableau, n’oubliant pas de passer au comptoir pour un petit verre de vin frais. Un guitariste s’installe au guéridon, dans la ruelle, et gratte ses cordes. Sisteron prend un petit air bohème, alors que les bruits du marché s’éteignent peu à peu. Dans notre sac, un melon bien rond, de belles tomates, dont une petite, utilisée par le primeur pour nous rendre la monnaie. Nous réussissons à acheter deux fromages de chèvre de Sisteron, pour compléter nos achats du jour. Après avoir pris un excellent repas, nous devons prendre la route. Nous choisissons de passer par « les gorges de la Méouge. Bon choix, une petite route qui serpente, le long de la rivière, accrochée aux parois. A la sortie des gorges, le paysage est magnifique, nous gravissons le col de Macuègne, haut de plus mille mètres. La descente sur Montbrun-les-Bains, au milieu des genêts en fleur, est un régal pour les yeux. La couleur jaune domine les collines, et le parfum de genêts est partout. En fin de journée, nous parvenons au petit village perché de Montbrun-les-Bains. Nous y faisons une courte halte, manière de nous dégourdir les jambes. Nous décidons de faire étape du soir, un peu plus loin à Sault. Au détour d’un virage, un village perché nous apparaît, et juste à droite, un bel emplacement pour nous poser, avec le village en fond de décor. Nous pensons être à Sault. En fait, il n’en est rien, car il s’agit du petit village d’Aurel, placé sur l’itinéraire de « la route Jean Giono ». Qu’importe, le village est beau, les alentours « toscanais ». Nous stoppons là notre route. Demain, sera un autre jour.
 

lundi 1 juin 2020

 

 

000 Provence, Alpes

 

L’orage gronde au-dessus de la vallée, et sa colère se déverse tout à coup, sur le petit village de Saint-Julien-du-Verdon, blotti sur les rives du lac de Castillon. De lourdes gouttes cognent sur le toit du fourgon, et les éclairs se mêlent au spectacle. Nous sommes arrivés en fin d’après-midi, dans le jardin de Jack et Line, qui réservent un coin de leur pelouse, aux voyageurs de passage. Juste le temps de descendre au village, avant de voir l’horizon s’encombrer de menaçants nuages noirs. Saint Julien du Verdon semble tremper sa nostalgie dans le lac, et attendre. Nous croisons de rares habitants, pas de commerce, et les bases nautiques, autour de l’étendue d’eau, semble s’essouffler d’espérer les touristes. Aucun commerce pour animer le bourg, personne sur les bancs de la place, juste deux gamins à vélo, rap à fond, tournant en rond sur l’aire de stationnement. Seul, le lac s’amuse à chatouiller les petits catamarans abandonnés sur ses rives, et lui aussi semble attendre.  
Contraste étonnant avec notre visite, en fin de matinée, dans le joli village de Moustiers-Sainte-Marie. Classé parmi les plus beaux villages de France, il mérite amplement ce titre, à tel point que ce qui devait être pour nous, une petite halte, est vite devenue une étape. Il est vrai que le soleil de la Provence rayonnait comme aux plus beaux jours. On pouvait presque sentir les parfums de lavande montant de la vallée. Une douce atmosphère de début d’été, avec des visiteurs bien décidés à prendre le temps. Moustiers est un village qui vous présente son âme, son quotidien. Les touristes sont, bien entendu, attendus et espérés, pourtant, au fur et à mesure que l’on avance dans les petites ruelles, on se sent comme invités, presque privilégiés d’être là. Alors, on devient curieux, on cherche, on s’informe, on s’installerait presque. A la terrasse d’un bistrot, derrière une jolie table de restaurant, sur un banc surplombant la cascade, ou simplement sur le bord du petit mur protégeant le chemin de croix que l’on gravit jusqu’à l’église de Notre-Dame-de-Beauvoir. On apprend qu’un chevalier avait fait vœux, s’il revenait sain et sauf des croisades, de tendre une chaîne et son étoile entre les deux pics surplombant la ville. En levant la tête, on aperçoit l’étoile, et l’on se dit qu’il est donc revenu. Légende ! Moustiers a tout pour vous retenir, la visite y est agréable et variée.  Il est déjà le milieu de l’après-midi, le temps s’est écoulé sans bruit.
Nous prenons la direction du lac de Castillon, dans des paysages où champs de lavande succèdent à de denses forêts de chênes verts, des vallons jaunis de blés, et des pinèdes étroites. Il règne un petit air de Toscane, ici ! Devant nous, les nuages se regroupent se colorant d’un gris anthracite, et laissant échapper de rares gouttes qui viennent s’écraser lourdement sur notre parebrise. Une heure plus tard, nous arrivons à Saint-Julien-du-Verdon, et l’orage est là.
En fait, nous arpentons les Alpes-de-Haute-Provence depuis trois jours.
Notre première étape nous mena … dans les oliviers. Dans la petite localité de Les Mées. Un petit village, qui pourrait passer inaperçu, s’il n’était pas surveillé, par une impressionnante curiosité géologique « Les pénitents ». Une haute falaise, un rempart naturel posté à l’arrière du village. Une curiosité impressionnante, tant par son étrangeté, que par le danger permanent qu’elle semble faire subir au village, implanté à ses pieds. Une promenade de deux heures en offre une découverte au plus près.  Nous avons passé la nuit dans le champ d’oliviers, et avons fait la petite randonnée au matin, sous un soleil des plus lumineux.
Le périple s’est ensuite poursuivi un peu plus au nord-est, vers la ville de Digne-les-Bains, avec une visite à la maison d’Alexandra David Néel. En raison du virus, il nous fût impossible de pénétrer dans la maison, seuls musée et jardin étaient ouverts. Ce musée, tout récent, puisque inauguré en juin 2019, suit pas à pas (c’est le cas de le dire), le chemin parcouru par cette femme « de caractère », qui la mena jusqu’à Lhassa, au Tibet, alors cité interdite, où elle parvint à vivre et se faire accepter. On découvre que derrière ce portrait de femme d’aventures, se cachait celui d’une femme encore plus déterminée, porteuses d’idées religieuses, philosophiques, sociales, en avance sur son temps. Soucieuse de la condition des femmes, porteuse d’idées nouvelles, voire révolutionnaires, Alexandre David Néel est venue terminer sa vie à Digne, où, alors, âgée de cent ans, elle fit sa demande de renouvellement de passeport.. Digne est une petite ville de province, active et animée. L’aménagement, au bord de la Durance, qu’il soit de détente ou sportif, est bien réussi, et les familles, les bandes de copains, les amoureux, aiment se retrouver sur les pelouses autour du plan d’eau, profitant du soleil, et des coins de fraicheur. C’est selon !
Dès le lendemain, notre route suivra les méandres capricieux, et les gorges escarpées du Verdon. Des paysages à couper le souffle, de vertigineux à-pics, des belvédères étourdissants offrant une vue plongeante, des abîmes à en perdre l’équilibre. Les sculptures du Verdon sont étourdissantes, et ne laissent pas indifférents. La nature est là, sans égal, dans sa force et sa ténacité. L’homme est renvoyé à sa propre dimension : petit et éphémère. On ressort de ces gorges étroites, prêtes à dévorer, avec le sentiment de plénitude, et d’être vraiment vivant. C’est fort, vivifiant, et inquiétant à la fois. Heureusement, pour nous permettre de libérer toute cette pression, à peine expulsés des gorges du Verdon, notre vue se plonge dans les eaux turquoises du lac de Sainte-Croix. Calme, volupté, émerveillement, le cœur revient à son rythme de croisière, au fur et à mesure que le lac nous ouvre ses bras. Nous passons la nuit au-dessus du village de Sainte-Croix-de-Verdon, entourés d’immenses champs de lavande, qui offrent généreusement leur parfum et leurs belles couleurs estivales. Juste avant que le soleil ne se couche, nous nous offrons un petit tour à vélo jusqu’au village, pour serpenter dans les ruelles animées. Ici, tout est tourné vers le lac, les maisons et les balcons s’y penchent, les amis lèvent leurs verres en le regardant dans les yeux. Ce lac est certainement, l’unique perle turquoise connue.
Parmi les attraits des Alpes-de-Haute-Provence, figurent les villages. Qu’on les trouve se mirant dans les eaux d’un lac, perchés en aplomb d’une rivière agitée, ou dans la tranquillité reposante d’un plateau rocailleux, ces petits villages s’ouvrent aux visiteurs avec toute leur générosité. Moustiers-Sainte- Marie, Sainte-Croix-du-Verdon ou Castellane, racontent leur histoire à qui veut bien prendre le temps de l’écouter. Castellane, ouvre la route des gorges du Verdon. C’est un gros bourg, fracturé par la rivière, et sur lequel veille Notre-Dame-du-Roc. Il faut gravir le chemin empierré, doublé d’un chemin de croix, pour parvenir à la chapelle. De là, la vue est magnifique, sur la vallée, et sur l’activité de cette petite ville, dont l’unique souci semble être de profiter pleinement des dons de la nature.
Le matin, le premier réflexe consiste à ouvrir le petit lanterneau qui surplombe notre lit. Ce matin, c’est un ciel d’un bleu parfait qui nous est apparu. Oublié le violent orage de la nuit. Quitter Saint-Julien-du- Verdon nous fut facile, tant ce village nous parut morne et sans vie. On nous avait parlé du village d’Entrevaux, situé à une trentaine de kilomètres. Pour y parvenir, nous avons suivi une route sinueuse, se jouant des courbes de la rivière en fond de vallée. Le soleil nous précédait. Parvenus à Entrevaux, nous partons parcourir le vieux village, dont l’accès se fait par un pont levis, nous plongeant ainsi immédiatement dans l’atmosphère de ce village fortifié. Vauban y a laissé son empreinte. La citadelle, telle un nid d’aigle, surveille la profonde vallée, et protège le village. Les ruelles étroites se croisent et s’entrecroisent, de petites places abritent, là, une crêperie, ici, une boutique de produits locaux. C’est d’ailleurs dans la boutique « La Provence », que nous faisons connaissance de la propriétaire. Cette dernière vient tout juste de s’installer, et nous confie que nous sommes ses premiers clients à déguster son assiette végétarienne (succulente !). Nous y découvrons la spécialité locale « La secca », (viande de bœuf séchée, qui fait un peu penser à la coppa). Nous faisons notre petit marché, non sans avoir au préalable, gravit la vertigineuse pente qui mène jusqu’à l’imprenable citadelle. Entrevaux est un magnifique village, qui égrène son histoire autour de la statue de Vauban, et de la lettre de François 1er à ses courageux et fidèles habitants.
Un deuxième village est sur notre route du jour. Colmars-les-Alpes est également un village médiéval, gardé par deux forts, et ceint d’un rempart. Mais, aller d’Entrevaux à Colmars, n’est par une affaire simple. La route reliant les deux villages passe par le col des champs, culminant à plus de deux mille mètres. Avant d’arriver au col, la route est magnifique, même magique, lorsqu’elle se construit un passage dans « les gorges de Daluis ». La route s’impose, bouscule la roche, éventre la montagne, livrant des points de vue étourdissants. Les cascades se jettent dans le vide, et surtout, la roche rouge est omniprésente, colorée à outrance par les rayons du soleil. Les nombreux tunnels et percements témoignent de la lutte acharnée de l’homme pour dompter cette « puissance rouge ». Un spectacle envoutant, spectaculaire. Sortis des gorges, la route s’élève rapidement, et le paysage s’habille des couleurs montagnardes. Les vallées s’élargissent. Des pics vertigineux apparaissent au-dessus de nous, laissant entrevoir des grosses taches glacées, derniers témoins d’un hiver passé. Derrière le col des champs, on plonge sans hésitation, sur la vallée qui doit nous mener jusqu’à Colmars-les-Alpes. Autant la route jusqu’au col était large, autant celle descendant par l’autre versant était étonnement étroite. L’explication nous est donnée à notre arrivée. Une explication encore plus étonnante, puisque politique ! Côté montée, nous étions dans le département des Alpes-Maritimes (riche), côté descente dans le département des Alpes-de-Haute-Provence (moins riche). Voilà !
Colmars-les-Alpes, est un charmant petit village qui mêle son ambiance montagnarde, à son histoire médiévale. On traverse le vieux village, par de petites ruelles pavées, guidé par le chant des nombreuses fontaines délivrant une eau limpide et fraîche. Même si, à première vue, Entrevaux, est bien mieux conservée, Colmars-les-Alpes n’en demeure pas moins une étape à faire sur la route des villages des Alpes-de-Haute-Provence. C’est ici, d’ailleurs, que nous passerons la nuit.
Lassé d’attendre notre réveil, le soleil s’en est allé éclairer les petits chemins qui entourent Colmars-les-Alpes.  Petit-déjeuner vite avalé, nous enfilons nos chaussures de marche, pour effectuer la courte balade à travers les sapins, qui doit nous amener jusqu’à la cascade de la Lance. Un petit sentier longe une rivière tourmentée et bruyante. Quinze minutes plus tard, nous parvenons à une jolie cascade, haute d’une vingtaine de mètres. Une bonne mise en jambe pour débuter cette nouvelle journée.
Une fois les préparatifs du fourgon achevés, nous prenons la route, direction Barcelonnette. Il est déjà midi. Devant nous, l’ascension du col d’Allos, bien connu des cyclistes désireux de boucler la route des trois cols mythiques (Allos, col des champs, la Cayolle). Rapidement, nous prenons de la hauteur, profitant d’une route encore large et parfaitement entretenue. Nous traversons la station d’Allos, bien calme, pour ces premiers jours de l’été. En levant la tête, nous pouvons apercevoir la succession de lacets en épingle à cheveux qui nous tirent vers le sommet. La conduite est déjà plus aisée que dans le col des champs, la route étant plus large, et la visibilité plus profonde. De plus, nous croisons vraiment très peu de véhicules. Nous passons donc le col sans encombre, après avoir fait la traditionnelle photo devant le panneau indiquant les 2.250 mètres d’altitude. La descente sur Barcelonnette demande de la concentration. Le paysage est bien entendu féérique, des deux côtés du col. Ah, oui, dernière précision, au col, il faisait 10 degrés !
Nous arrivons dans la petite ville de Barcelonnette, sous un crachin hivernal.  Quelques minutes plus tard, c’est un soleil radieux qui inonde la vallée. La montagne quoi ! La ville est commerçante, de nombreux petits commerces animent le centre-ville. Cette cité a une singulière particularité. Elle possède des liens étroits avec le Mexique, et ne s’en cache pas. Au contraire, des noms de rues, de commerces et des animations font référence au pays de Frida Calo et Pancho Villa. L’explication est simple, au milieu du 19ème siècle, des habitants de Barcelonnette partirent au Mexique, devenu un Eldorado, dans l’espoir d’y faire fortune dans la draperie. Certains réussirent, créant les premiers grands magasins. La plupart d’entre eux, prirent la nationalité mexicaine, et restèrent là-bas. D’autres revinrent au pays, fortune faite, et y firent bâtir de somptueuses maisons, qui s’égrènent dans les quartiers de la ville. Il existe un petit parcours qui permet de voir ces maisons, encore habitées, et ainsi, prendre conscience de l’argent amassé par ces conquérants d’un nouveau monde.
La visite de Barcelonnette est agréable. Il faut faire une halte dans la belle librairie de la place Manuel, se perdre dans les petites rues, et pourquoi pas, suivre la petite promenade des vergers qui surplombe la cité. Ce que nous avons fait, avant de reprendre la route en fin de journée, pour rejoindre le lac de Serre-Ponçon. Le soleil baissant, nous nous arrêtons dans le petit village de Sauzet-du-Lac, qui forme un véritable balcon sur les eaux turquoises du lac. Un tout petit bourg de moyenne montagne, joliment fleuri, où il fait bon flâner dans les petites ruelles escarpées. Nous trouvons un « spot » idéal à l’entrée du village, pour garer le fourgon, et profiter des derniers rayons du soleil. Demain, nous descendrons sur les rives du lac, et poursuivrons notre périple.
Quel bonheur ! Se réveiller avec la vue plongeante sur le lac de Serre-Ponçon. Le soleil se reflète dans les eaux calmes du lac, mais l’air matinal est encore frais. Aujourd’hui, nous devons faire le tour du lac. Savines-le-Lac devait être notre première étape, mais ce village, un peu trop « neuf », sorte de petite station balnéaire lacustre, sans trop de caractère, du moins, sans surprise, ne nous donne pas l’envie d’y faire halte. Nous poursuivons donc notre route vers l’intérieur des montagnes, sans perdre de vue le lac pour autant. La route se rétrécit. Les lacets se succèdent,et après une bonne demi-heure de route, nous parvenons à notre objectif du jour : « Le parcours des fées ». Une randonnée artistique, sur le territoire de la commune de Crévoux. Le fourgon garé sur un carré d’herbes grasses, les chaussures parfaitement ajustées, le sac à dos bien serré, nous entamons donc cette randonnée d’un accès dit « facile », avec seulement trois cents mètres de dénivelé, et qui doit durer deux bonnes heures. Nous suivons une torrent agité, sur un petit sentier empierré, avec de temps en temps, un petit pont champêtre, enjambant les eaux tourmentées. « Le parcours des fées », nous promène dans un décors naturel magnifique, à la découverte d’une série d’œuvres artistiques monumentales, d’installations éphémères, installées çà et là, par les créateurs, au grès de leur inspiration, ou des lieux. A travers leurs créations, les artistes livrent et nous font partager leurs sentiments personnels, en particulier sur l’environnement et les bouleversements climatiques. On y découvre des cabanes suspendues dans les arbres, comme emportées par un typhon. Un homme se jetant dans le vide, en lévitation, pour se défaire d’un monde qu’il ne comprend plus. Le retour des méduses dans les montagnes, pour revenir à ce qui a été. En tout une vingtaine d’œuvres d’art, plus surprenantes les unes que les autres, semées dans les pentes abruptes de cette petite vallée. La promenade est rythmée par la mélodie joyeuse des cloches des vaches, paissant dans les prés, et le vacarme de la magnifique cascade de Razis, qui surplombe le chemin, propulsant ses eaux pures à travers un goulée rocailleux. Il nous aura fallu deux heures, comme nous l’avait indiqué la jeune fille de l’accueil pour réaliser cette boucle.
Nous descendons donc dans la vallée, afin poursuivre notre visite des villages bordant le lac de Serre-Ponçon. Nous consacrons une bonne heure à découvrir les ruelles animées d’Embrun. Plus qu’un village, Embrun a la dimension d’une petite ville. Comme partout quelques commerces ont définitivement baissé rideau, mais de nombreuses boutiques demeurent, et donnent au centre-ville une joyeuse atmosphère. La promenade dite de « l’archevêché » offre une superbe vue sur la vallée de la Durance. Si Embrun fût une belle surprise, il n’en fût pas autant du village de Chorges. Bruyant, ouvert aux voitures, et surtout parsemés de boutiques made in china, sans intérêt. Nous y achetons tout de même une appétissante tarte des Alpes à la framboise, que nous dégusterons ce soir.
La journée prenant fin, il faut désormais penser à se rapprocher de notre point de retour. Nous faisons cap sur Sisteron, où nous allons passer la nuit.
Hier soir, la fatigue a eu raison de nous. C’est dans le sympathique camping « Le Jas du Moine », à trois kilomètres de Sisteron, que nous garons notre fourgon, juste devant un magnifique champ de lavande. Solution idéale lorsque, fatigués, vous n’avez pas le courage de chercher un bon spot ou une aire adaptée. A peine le diner terminé, nous entamons une bonne nuit de sommeil. Une nuit si douce, qu’à notre réveil, nous sommes surpris de constater qu’il est déjà dix heures du matin. Un bon petit déjeuner à l’ombre des chênes, les vérifications d’usage, et dix minutes plus tard, nous déambulons dans les rues de Sisteron, à l’ombre de l’imposante citadelle. L’animation de la matinée est le marché. En bon marché Provençal, les étals, ici, se mélangent à l’accent appuyé, aux bonjours des voisins, aux tintements des verres qui s’entrechoquent pour un apéritif entre amis, aux vendeurs de melons qui arranguent la foule. Les couleurs se superposent, le rouge tomate, le vert olive, le jaune citron, le blanc fromage de chèvres, la palette est complète. Et bien entendu, au-dessus de tout cela flotte le parfum de la lavande, du romarin et du basilic. Pour un peu, on fredonnerait la chanson de Bécaud. Le marché de Sisteron se faufile dans les ruelles, s’étage, se resserre. Dans la rue droite, un attroupement, à la petite galerie de peinture. Tapenade et vin de Provence, discussion et tape sur l’épaule, le peintre du jour présente ses œuvres aux couleurs locales. Amis, curieux, passants, vont de tableau en tableau, n’oubliant pas de passer au comptoir pour un petit verre de vin frais. Un guitariste s’installe au guéridon, dans la ruelle, et gratte ses cordes. Sisteron prend un petit air bohème, alors que les bruits du marché s’éteignent peu à peu. Dans notre sac, un melon bien rond, de belles tomates, dont une petite, utilisée par le primeur pour nous rendre la monnaie. Nous réussissons à acheter deux fromages de chèvre de Sisteron, pour compléter nos achats du jour. Après avoir pris un excellent repas, nous devons prendre la route. Nous choisissons de passer par « les gorges de la Méouge. Bon choix, une petite route qui serpente, le long de la rivière, accrochée aux parois. A la sortie des gorges, le paysage est magnifique, nous gravissons le col de Macuègne, haut de plus mille mètres. La descente sur Montbrun-les-Bains, au milieu des genêts en fleur, est un régal pour les yeux. La couleur jaune domine les collines, et le parfum de genêts est partout. En fin de journée, nous parvenons au petit village perché de Montbrun-les-Bains. Nous y faisons une courte halte, manière de nous dégourdir les jambes. Nous décidons de faire étape du soir, un peu plus loin à Sault. Au détour d’un virage, un village perché nous apparaît, et juste à droite, un bel emplacement pour nous poser, avec le village en fond de décor. Nous pensons être à Sault. En fait, il n’en est rien, car il s’agit du petit village d’Aurel, placé sur l’itinéraire de « la route Jean Giono ». Qu’importe, le village est beau, les alentours « toscanais ». Nous stoppons là notre route. Demain, sera un autre jour.