samedi 19 janvier 2019

003 - Le trompettiste du malécon, sofa de la Havane

Il est là, encore là. Il est toujours là ! Tournant le dos à l'océan, assis sur le large mur, il regarde sa ville. Ses doigts enfoncent un à un les pistons de son instrument. La casquette vissée sur le tête, sur ses épaules, une chemise d'un blanc immaculé, gonflée par le vent du large, le trompettiste du « Malecon » de La Havane, est là, fidèle, accroché au mur, comme le serait un coquillage. On se dit que même l'assaut des vagues ne parviendront pas à l'arracher de là. Sa musique, pourtant, joue la mélodie d'un combat perdu d'avance, face aux flots incessants des voitures, et du vacarme des vagues s'écrasant sur la roche. Pourtant, il là, et il joue. Il semble ignorer ce qu'il se passe dans son dos, jusqu'à ce rêve d'ailleurs, là à quelques kilomètres de lui, sur un horizon de chimères. Il embrasse sa ville, sa Havane. Il lui offre sa musique, comme pour la distraire, et lui faire oublier les rides qui la sillonne. Les familles défilent devant lui, les jeunes amoureux s'embrassent à quelques mètres de lui, les touristes lui accordent un cliché. Lui, il est là, ainsi entouré, avec sa musique pour offrande à leur quotidien. Son quotidien, lui, c'est le « Malecon », son « Malecon », ce mur qui serpente le front de mer, sur lequel vient frapper la colère océane. Peut-être pense-t-il que sa musique peut adoucir cette colère, l'empêcher de frapper ? Le Malecon rassure les havanais. Il les protège. Pas seulement des flots parfois déchaînés. Il les protège du temps qui passe. Derrière le Malecon, on est à l'abri. Sauter le Malecon, c'est subir les caprices de l'océan, c'est se frotter à l'inconnu, c'est aussi s'offrir une nouvelle vie, un autre avenir. L'image du Malecon hante l'esprit des havanais. Serait-il le mur de leur prison, plutôt que leur protecteur indestructible ?
Il faudrait peut-être interroger le trompettiste du Malécon de la Havane, et lui demander pourquoi il joue ainsi depuis de si longues années ?
Peut-être joue-t-il simplement de la musique ? Tout simplement !
En attendant, il est là, encore là. Il est toujours là !

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