L’orage gronde au-dessus de la vallée, et sa colère se déverse
tout à coup, sur le petit village de Saint-Julien-du-Verdon, blotti sur les
rives du lac de Castillon. De lourdes gouttes cognent sur le toit du fourgon,
et les éclairs se mêlent au spectacle. Nous sommes arrivés en fin d’après-midi,
dans le jardin de Jack et Line, qui réservent un coin de leur pelouse, aux
voyageurs de passage. Juste le temps de descendre au village, avant de voir
l’horizon s’encombrer de menaçants nuages noirs. Saint Julien du Verdon semble
tremper sa nostalgie dans le lac, et attendre. Nous croisons de rares
habitants, pas de commerce, et les bases nautiques, autour de l’étendue d’eau,
semble s’essouffler d’espérer les touristes. Aucun commerce pour animer le
bourg, personne sur les bancs de la place, juste deux gamins à vélo, rap à
fond, tournant en rond sur l’aire de stationnement. Seul, le lac s’amuse à
chatouiller les petits catamarans abandonnés sur ses rives, et lui aussi semble
attendre.
Contraste étonnant avec notre visite,
en fin de matinée, dans le joli village de Moustiers-Sainte-Marie. Classé parmi
les plus beaux villages de France, il mérite amplement ce titre, à tel point
que ce qui devait être pour nous, une petite halte, est vite devenue une étape.
Il est vrai que le soleil de la Provence rayonnait comme aux plus beaux jours.
On pouvait presque sentir les parfums de lavande montant de la vallée. Une
douce atmosphère de début d’été, avec des visiteurs bien décidés à prendre le
temps. Moustiers est un village qui vous présente son âme, son quotidien. Les
touristes sont, bien entendu, attendus et espérés, pourtant, au fur et à mesure
que l’on avance dans les petites ruelles, on se sent comme invités, presque
privilégiés d’être là. Alors, on devient curieux, on cherche, on s’informe, on
s’installerait presque. A la terrasse d’un bistrot, derrière une jolie table de
restaurant, sur un banc surplombant la cascade, ou simplement sur le bord du
petit mur protégeant le chemin de croix que l’on gravit jusqu’à l’église de
Notre-Dame-de-Beauvoir. On apprend qu’un chevalier avait fait vœux, s’il
revenait sain et sauf des croisades, de tendre une chaîne et son étoile entre
les deux pics surplombant la ville. En levant la tête, on aperçoit l’étoile, et
l’on se dit qu’il est donc revenu. Légende ! Moustiers a tout pour vous
retenir, la visite y est agréable et variée.
Il est déjà le milieu de l’après-midi, le temps s’est écoulé sans bruit.
Nous prenons la direction du lac
de Castillon, dans des paysages où champs de lavande succèdent à de denses
forêts de chênes verts, des vallons jaunis de blés, et des pinèdes étroites. Il
règne un petit air de Toscane, ici ! Devant nous, les nuages se regroupent
se colorant d’un gris anthracite, et laissant échapper de rares gouttes qui
viennent s’écraser lourdement sur notre parebrise. Une heure plus tard, nous
arrivons à Saint-Julien-du-Verdon, et l’orage est là.
En fait, nous arpentons les Alpes-de-Haute-Provence
depuis trois jours.
Notre première étape nous
mena … dans les oliviers. Dans la petite localité de Les Mées. Un petit
village, qui pourrait passer inaperçu, s’il n’était pas surveillé, par une
impressionnante curiosité géologique « Les pénitents ». Une haute
falaise, un rempart naturel posté à l’arrière du village. Une curiosité
impressionnante, tant par son étrangeté, que par le danger permanent qu’elle
semble faire subir au village, implanté à ses pieds. Une promenade de deux
heures en offre une découverte au plus près. Nous avons passé la nuit dans le champ
d’oliviers, et avons fait la petite randonnée au matin, sous un soleil des plus
lumineux.
Le périple s’est ensuite
poursuivi un peu plus au nord-est, vers la ville de Digne-les-Bains, avec une
visite à la maison d’Alexandra David Néel. En raison du virus, il nous fût
impossible de pénétrer dans la maison, seuls musée et jardin étaient ouverts.
Ce musée, tout récent, puisque inauguré en juin 2019, suit pas à pas (c’est le
cas de le dire), le chemin parcouru par cette femme « de caractère »,
qui la mena jusqu’à Lhassa, au Tibet, alors cité interdite, où elle parvint à
vivre et se faire accepter. On découvre que derrière ce portrait de femme d’aventures,
se cachait celui d’une femme encore plus déterminée, porteuses d’idées
religieuses, philosophiques, sociales, en avance sur son temps. Soucieuse de la
condition des femmes, porteuse d’idées nouvelles, voire révolutionnaires,
Alexandre David Néel est venue terminer sa vie à Digne, où, alors, âgée de cent
ans, elle fit sa demande de renouvellement de passeport.. Digne est une petite
ville de province, active et animée. L’aménagement, au bord de la Durance,
qu’il soit de détente ou sportif, est bien réussi, et les familles, les bandes
de copains, les amoureux, aiment se retrouver sur les pelouses autour du plan
d’eau, profitant du soleil, et des coins de fraicheur. C’est selon !
Dès le lendemain, notre route
suivra les méandres capricieux, et les gorges escarpées du Verdon. Des paysages
à couper le souffle, de vertigineux à-pics, des belvédères étourdissants
offrant une vue plongeante, des abîmes à en perdre l’équilibre. Les sculptures
du Verdon sont étourdissantes, et ne laissent pas indifférents. La nature est
là, sans égal, dans sa force et sa ténacité. L’homme est renvoyé à sa propre
dimension : petit et éphémère. On ressort de ces gorges étroites, prêtes à
dévorer, avec le sentiment de plénitude, et d’être vraiment vivant. C’est fort,
vivifiant, et inquiétant à la fois. Heureusement, pour nous permettre de
libérer toute cette pression, à peine expulsés des gorges du Verdon, notre vue
se plonge dans les eaux turquoises du lac de Sainte-Croix. Calme, volupté,
émerveillement, le cœur revient à son rythme de croisière, au fur et à mesure
que le lac nous ouvre ses bras. Nous passons la nuit au-dessus du village de
Sainte-Croix-de-Verdon, entourés d’immenses champs de lavande, qui offrent
généreusement leur parfum et leurs belles couleurs estivales. Juste avant que
le soleil ne se couche, nous nous offrons un petit tour à vélo jusqu’au
village, pour serpenter dans les ruelles animées. Ici, tout est tourné vers le
lac, les maisons et les balcons s’y penchent, les amis lèvent leurs verres en
le regardant dans les yeux. Ce lac est certainement, l’unique perle turquoise connue.
Parmi les attraits des Alpes-de-Haute-Provence,
figurent les villages. Qu’on les trouve se mirant dans les eaux d’un lac,
perchés en aplomb d’une rivière agitée, ou dans la tranquillité reposante d’un
plateau rocailleux, ces petits villages s’ouvrent aux visiteurs avec toute leur
générosité. Moustiers-Sainte- Marie, Sainte-Croix-du-Verdon ou Castellane,
racontent leur histoire à qui veut bien prendre le temps de l’écouter.
Castellane, ouvre la route des gorges du Verdon. C’est un gros bourg, fracturé
par la rivière, et sur lequel veille Notre-Dame-du-Roc. Il faut gravir le
chemin empierré, doublé d’un chemin de croix, pour parvenir à la chapelle. De
là, la vue est magnifique, sur la vallée, et sur l’activité de cette petite
ville, dont l’unique souci semble être de profiter pleinement des dons de la
nature.
Le matin, le premier réflexe
consiste à ouvrir le petit lanterneau qui surplombe notre lit. Ce matin, c’est
un ciel d’un bleu parfait qui nous est apparu. Oublié le violent orage de la
nuit. Quitter Saint-Julien-du- Verdon nous fut facile, tant ce village nous parut
morne et sans vie. On nous avait parlé du village d’Entrevaux, situé à une
trentaine de kilomètres. Pour y parvenir, nous avons suivi une route sinueuse,
se jouant des courbes de la rivière en fond de vallée. Le soleil nous
précédait. Parvenus à Entrevaux, nous partons parcourir le vieux village, dont
l’accès se fait par un pont levis, nous plongeant ainsi immédiatement dans l’atmosphère
de ce village fortifié. Vauban y a laissé son empreinte. La citadelle, telle un
nid d’aigle, surveille la profonde vallée, et protège le village. Les ruelles
étroites se croisent et s’entrecroisent, de petites places abritent, là, une
crêperie, ici, une boutique de produits locaux. C’est d’ailleurs dans la
boutique « La Provence », que nous faisons connaissance de la
propriétaire. Cette dernière vient tout juste de s’installer, et nous confie
que nous sommes ses premiers clients à déguster son assiette végétarienne
(succulente !). Nous y découvrons la spécialité locale « La
secca », (viande de bœuf séchée, qui fait un peu penser à la coppa). Nous
faisons notre petit marché, non sans avoir au préalable, gravit la vertigineuse
pente qui mène jusqu’à l’imprenable citadelle. Entrevaux est un magnifique
village, qui égrène son histoire autour de la statue de Vauban, et de la lettre
de François 1er à ses courageux et fidèles habitants.
Un deuxième village est sur notre
route du jour. Colmars-les-Alpes est également un village médiéval, gardé par
deux forts, et ceint d’un rempart. Mais, aller d’Entrevaux à Colmars, n’est par
une affaire simple. La route reliant les deux villages passe par le col des
champs, culminant à plus de deux mille mètres. Avant d’arriver au col, la route
est magnifique, même magique, lorsqu’elle se construit un passage dans
« les gorges de Daluis ». La route s’impose, bouscule la roche,
éventre la montagne, livrant des points de vue étourdissants. Les cascades se
jettent dans le vide, et surtout, la roche rouge est omniprésente, colorée à
outrance par les rayons du soleil. Les nombreux tunnels et percements
témoignent de la lutte acharnée de l’homme pour dompter cette « puissance
rouge ». Un spectacle envoutant, spectaculaire. Sortis des gorges, la
route s’élève rapidement, et le paysage s’habille des couleurs montagnardes.
Les vallées s’élargissent. Des pics vertigineux apparaissent au-dessus de nous,
laissant entrevoir des grosses taches glacées, derniers témoins d’un hiver
passé. Derrière le col des champs, on plonge sans hésitation, sur la vallée qui
doit nous mener jusqu’à Colmars-les-Alpes. Autant la route jusqu’au col était
large, autant celle descendant par l’autre versant était étonnement étroite.
L’explication nous est donnée à notre arrivée. Une explication encore plus
étonnante, puisque politique ! Côté montée, nous étions dans le
département des Alpes-Maritimes (riche), côté descente dans le département des
Alpes-de-Haute-Provence (moins riche). Voilà !
Colmars-les-Alpes, est un
charmant petit village qui mêle son ambiance montagnarde, à son histoire
médiévale. On traverse le vieux village, par de petites ruelles pavées, guidé
par le chant des nombreuses fontaines délivrant une eau limpide et fraîche.
Même si, à première vue, Entrevaux, est bien mieux conservée, Colmars-les-Alpes
n’en demeure pas moins une étape à faire sur la route des villages des Alpes-de-Haute-Provence.
C’est ici, d’ailleurs, que nous passerons la nuit.
Lassé d’attendre notre réveil, le
soleil s’en est allé éclairer les petits chemins qui entourent
Colmars-les-Alpes. Petit-déjeuner vite
avalé, nous enfilons nos chaussures de marche, pour effectuer la courte balade
à travers les sapins, qui doit nous amener jusqu’à la cascade de la Lance. Un
petit sentier longe une rivière tourmentée et bruyante. Quinze minutes plus
tard, nous parvenons à une jolie cascade, haute d’une vingtaine de mètres. Une
bonne mise en jambe pour débuter cette nouvelle journée.
Une fois les préparatifs du
fourgon achevés, nous prenons la route, direction Barcelonnette. Il est déjà
midi. Devant nous, l’ascension du col d’Allos, bien connu des cyclistes
désireux de boucler la route des trois cols mythiques (Allos, col des champs,
la Cayolle). Rapidement, nous prenons de la hauteur, profitant d’une route
encore large et parfaitement entretenue. Nous traversons la station d’Allos,
bien calme, pour ces premiers jours de l’été. En levant la tête, nous pouvons
apercevoir la succession de lacets en épingle à cheveux qui nous tirent vers le
sommet. La conduite est déjà plus aisée que dans le col des champs, la route
étant plus large, et la visibilité plus profonde. De plus, nous croisons
vraiment très peu de véhicules. Nous passons donc le col sans encombre, après
avoir fait la traditionnelle photo devant le panneau indiquant les 2.250 mètres
d’altitude. La descente sur Barcelonnette demande de la concentration. Le
paysage est bien entendu féérique, des deux côtés du col. Ah, oui, dernière
précision, au col, il faisait 10 degrés !
Nous arrivons dans la petite
ville de Barcelonnette, sous un crachin hivernal. Quelques minutes plus tard, c’est un soleil
radieux qui inonde la vallée. La montagne quoi ! La ville est commerçante,
de nombreux petits commerces animent le centre-ville. Cette cité a une
singulière particularité. Elle possède des liens étroits avec le Mexique, et ne
s’en cache pas. Au contraire, des noms de rues, de commerces et des animations
font référence au pays de Frida Calo et Pancho Villa. L’explication est simple,
au milieu du 19ème siècle, des habitants de Barcelonnette partirent
au Mexique, devenu un Eldorado, dans l’espoir d’y faire fortune dans la
draperie. Certains réussirent, créant les premiers grands magasins. La plupart
d’entre eux, prirent la nationalité mexicaine, et restèrent là-bas. D’autres
revinrent au pays, fortune faite, et y firent bâtir de somptueuses maisons, qui
s’égrènent dans les quartiers de la ville. Il existe un petit parcours qui
permet de voir ces maisons, encore habitées, et ainsi, prendre conscience de
l’argent amassé par ces conquérants d’un nouveau monde.
La visite de Barcelonnette est
agréable. Il faut faire une halte dans la belle librairie de la place Manuel,
se perdre dans les petites rues, et pourquoi pas, suivre la petite promenade des
vergers qui surplombe la cité. Ce que nous avons fait, avant de reprendre la
route en fin de journée, pour rejoindre le lac de Serre-Ponçon. Le soleil
baissant, nous nous arrêtons dans le petit village de Sauzet-du-Lac, qui forme
un véritable balcon sur les eaux turquoises du lac. Un tout petit bourg de
moyenne montagne, joliment fleuri, où il fait bon flâner dans les petites
ruelles escarpées. Nous trouvons un « spot » idéal à l’entrée du
village, pour garer le fourgon, et profiter des derniers rayons du soleil.
Demain, nous descendrons sur les rives du lac, et poursuivrons notre périple.
Quel bonheur ! Se réveiller
avec la vue plongeante sur le lac de Serre-Ponçon. Le soleil se reflète dans
les eaux calmes du lac, mais l’air matinal est encore frais. Aujourd’hui, nous
devons faire le tour du lac. Savines-le-Lac devait être notre première étape,
mais ce village, un peu trop « neuf », sorte de petite station
balnéaire lacustre, sans trop de caractère, du moins, sans surprise, ne nous
donne pas l’envie d’y faire halte. Nous poursuivons donc notre route vers
l’intérieur des montagnes, sans perdre de vue le lac pour autant. La route se
rétrécit. Les lacets se succèdent,et après une bonne demi-heure de route, nous
parvenons à notre objectif du jour : « Le parcours des fées ».
Une randonnée artistique, sur le territoire de la commune de Crévoux. Le
fourgon garé sur un carré d’herbes grasses, les chaussures parfaitement
ajustées, le sac à dos bien serré, nous entamons donc cette randonnée d’un
accès dit « facile », avec seulement trois cents mètres de dénivelé,
et qui doit durer deux bonnes heures. Nous suivons une torrent agité, sur un
petit sentier empierré, avec de temps en temps, un petit pont champêtre,
enjambant les eaux tourmentées. « Le parcours des fées », nous
promène dans un décors naturel magnifique, à la découverte d’une série d’œuvres
artistiques monumentales, d’installations éphémères, installées çà et là, par
les créateurs, au grès de leur inspiration, ou des lieux. A travers leurs créations,
les artistes livrent et nous font partager leurs sentiments personnels, en
particulier sur l’environnement et les bouleversements climatiques. On y
découvre des cabanes suspendues dans les arbres, comme emportées par un typhon.
Un homme se jetant dans le vide, en lévitation, pour se défaire d’un monde
qu’il ne comprend plus. Le retour des méduses dans les montagnes, pour revenir
à ce qui a été. En tout une vingtaine d’œuvres d’art, plus surprenantes les
unes que les autres, semées dans les pentes abruptes de cette petite vallée. La
promenade est rythmée par la mélodie joyeuse des cloches des vaches, paissant
dans les prés, et le vacarme de la magnifique cascade de Razis, qui
surplombe le chemin, propulsant ses eaux pures à travers un goulée rocailleux.
Il nous aura fallu deux heures, comme nous l’avait indiqué la jeune fille de
l’accueil pour réaliser cette boucle.
Nous descendons donc dans la
vallée, afin poursuivre notre visite des villages bordant le lac de
Serre-Ponçon. Nous consacrons une bonne heure à découvrir les ruelles animées
d’Embrun. Plus qu’un village, Embrun a la dimension d’une petite ville. Comme
partout quelques commerces ont définitivement baissé rideau, mais de nombreuses
boutiques demeurent, et donnent au centre-ville une joyeuse atmosphère. La
promenade dite de « l’archevêché » offre une superbe vue sur la
vallée de la Durance. Si Embrun fût une belle surprise, il n’en fût pas autant
du village de Chorges. Bruyant, ouvert aux voitures, et surtout parsemés de
boutiques made in china, sans intérêt. Nous y achetons tout de même une
appétissante tarte des Alpes à la framboise, que nous dégusterons ce soir.
La journée prenant fin, il faut
désormais penser à se rapprocher de notre point de retour. Nous faisons cap sur
Sisteron, où nous allons passer la nuit.
Hier soir, la fatigue a eu raison
de nous. C’est dans le sympathique camping « Le Jas du Moine », à
trois kilomètres de Sisteron, que nous garons notre fourgon, juste devant un
magnifique champ de lavande. Solution idéale lorsque, fatigués, vous n’avez pas
le courage de chercher un bon spot ou une aire adaptée. A peine le diner
terminé, nous entamons une bonne nuit de sommeil. Une nuit si douce, qu’à notre
réveil, nous sommes surpris de constater qu’il est déjà dix heures du matin. Un
bon petit déjeuner à l’ombre des chênes, les vérifications d’usage, et dix
minutes plus tard, nous déambulons dans les rues de Sisteron, à l’ombre de
l’imposante citadelle. L’animation de la matinée est le marché. En bon marché Provençal,
les étals, ici, se mélangent à l’accent appuyé, aux bonjours des voisins, aux
tintements des verres qui s’entrechoquent pour un apéritif entre amis, aux
vendeurs de melons qui arranguent la foule. Les couleurs se superposent, le
rouge tomate, le vert olive, le jaune citron, le blanc fromage de chèvres, la
palette est complète. Et bien entendu, au-dessus de tout cela flotte le parfum
de la lavande, du romarin et du basilic. Pour un peu, on fredonnerait la
chanson de Bécaud. Le marché de Sisteron se faufile dans les ruelles, s’étage,
se resserre. Dans la rue droite, un attroupement, à la petite galerie de
peinture. Tapenade et vin de Provence, discussion et tape sur l’épaule, le
peintre du jour présente ses œuvres aux couleurs locales. Amis, curieux,
passants, vont de tableau en tableau, n’oubliant pas de passer au comptoir pour
un petit verre de vin frais. Un guitariste s’installe au guéridon, dans la
ruelle, et gratte ses cordes. Sisteron prend un petit air bohème, alors que les
bruits du marché s’éteignent peu à peu. Dans notre sac, un melon bien rond, de
belles tomates, dont une petite, utilisée par le primeur pour nous rendre la
monnaie. Nous réussissons à acheter deux fromages de chèvre de Sisteron, pour
compléter nos achats du jour. Après avoir pris un excellent repas, nous devons
prendre la route. Nous choisissons de passer par « les gorges de la Méouge.
Bon choix, une petite route qui serpente, le long de la rivière, accrochée aux
parois. A la sortie des gorges, le paysage est magnifique, nous gravissons le
col de Macuègne, haut de plus mille mètres. La descente sur Montbrun-les-Bains,
au milieu des genêts en fleur, est un régal pour les yeux. La couleur jaune
domine les collines, et le parfum de genêts est partout. En fin de journée,
nous parvenons au petit village perché de Montbrun-les-Bains. Nous y faisons
une courte halte, manière de nous dégourdir les jambes. Nous décidons de faire
étape du soir, un peu plus loin à Sault. Au détour d’un virage, un village
perché nous apparaît, et juste à droite, un bel emplacement pour nous poser,
avec le village en fond de décor. Nous pensons être à Sault. En fait, il n’en
est rien, car il s’agit du petit village d’Aurel, placé sur l’itinéraire de
« la route Jean Giono ». Qu’importe, le village est beau, les
alentours « toscanais ». Nous stoppons là notre route. Demain, sera
un autre jour.